L’ACQUISITION D’ECRITS DE ROBESPIERRE

publié le 3 juil. 2011, 02:56 par Jean-Pierre Rissoan
  20/05/2011  

L’ACQUISITION D'ECRITS DE ROBESPIERRE : UNE GRANDE POLITESSE REPUBLICAINE

 

par Jack RALITE,

ancien ministre,

sénateur (PCF) de la Seine-Saint-Denis.

 

Nous étions heureux et à l'évidence nombreux à l'être dans la salle de Sotheby's, juste en face de l'Élysée, mercredi à 15h30, où se jouait l'avenir d'un ensemble exceptionnel de papiers de travail de Robespierre, qui, via la courageuse famille de son ami le conventionnel Le Bas, réapparaissait, 217 ans après l'élimination de l'Incorruptible.

Le commissaire-priseur donna le léger coup de marteau traditionnel, adjugeant les documents au montant atteint par les enchères. Aussitôt, M. Hervé Lemoine, directeur du service interministériel des Archives de France, déclara d'une voix dont on percevait la fierté, qu'il mettait ces enchères "sous réserve de l'exercice du droit de préemption de l'Etat, au bénéfice des Archives de France". La salle résonna de très vifs applaudissements, traduisant une immense émotion. On venait de vivre un achat vertueux, une grande politesse républicaine.

C'est l'aboutissement des déclarations de nombreux historiens de la Révolution française, notamment de la Société des études robespierristes qui a lancé une souscription ayant atteint les 100.000 euros à ce jour, venant d'un millier de citoyens et citoyennes. Les partis de gauche avaient émis la même opinion ; j'avais demandé aussi à Frédéric Mitterrand, pendant les questions d'actualité au Sénat, de garantir l'achat de ces pièces historiques.

C'est la reconnaissance de la valorisation du rôle des Archives, qui en ont bien besoin. Il s'agit, en effet, de textes manuscrits corrigés, biffés, raturés, c'est-à-dire nous faisant assister à la naissance d'une pensée. Comme le dit Michaux : "La pensée, avant d'être oeuvre, est trajet".

C'est la confirmation que le personnage de Robespierre, homme d'État hautement responsable dans un moment de tourments, grand orateur et législateur, a marqué notre histoire nationale en profondeur. Certains le pensaient discrédité, l'épisode de ces textes montre qu'il n'en est rien. "Ce guillotiné de naissance", comme l'appelait Julien Gracq, ajoutant qu'il avait un "rayonnement sans égal", est resté au cœur de nombreux de nos concitoyens. C'est qu'il était patriote, pacifiste, et donnait une haute idée de la France. Gracq ajoutait qu'il avait voulu par un coup de barre dune hardiesse inégalée "réécrire au bien" ce que "des siècles de lutte terrible avaient écrit au mal".

C'est l'occasion d'une relecture de quelques mots de ce parlementaire révolutionnaire.

S'adressant en 1791 à certains de ses collègues qui le combattaient, Robespierre disait, parlant des hommes : "Vous qui ne les avez jugés que d'après les idées absurdes du despotisme et de l'orgueil féodal ; vous qui, accoutumés aux jargons bizarres qu'il a inventés, avez trouvé simple de dégrader la plus grande partie du genre humain par les mots de canaille, de populace ; vous qui avez révélé au monde qu'il existait des gens sans naissance, comme si tous les hommes qui vivent n’étaient pas nés ( ), j’atteste ( ) qu’en général il n’y a rien d’aussi juste ni d’aussi bon que le peuple, toutes 1es fois qu’il n'est point irrité par l’excès de l'oppression". Et encore : "Personne n'aime les missionnaires armés". "La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m’est suspecte". "Rien ne doit porter atteinte à la liberté des théâtres ( ) il ne faut pas qu’ils soient soumis à une inspection arbitraire. L'opinion publique est seule juge". "Je crois qu’aucun citoyen ne peut être soumis à aucune peine ni a aucune inquisition pour ses discours ni pour ses écrits". "Périssent nos colonies plutôt que nos principes !". "Laissez faire au peuple tout ce qu’il peut faire par lui-même et seulement le reste par ses représentants"[1]. "Législateurs, vous n'avez rien fait pour la liberté, si vos lois ne tendent pas à diminuer par des moyens doux et efficaces l'extrême inégalité des fortunes".

Ces mots appartiennent au mémoriel national à partager. Le mercredi 18 mai 2011, dans un pluralisme, outrage n'a pas pu être fait à ce "bien commun". Il reste quinze jours pour réunir, l'État en tête, les fonds nécessaires.



[1] Influence rousseauiste manifeste : lire l’article 

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