Hommage à Robespierre au Panthéon.

publié le 10 nov. 2011, 09:27 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 3 févr. 2012, 03:36 ]

Le 28 juillet, les amis de Robespierre étaient nombreux au Panthéon pour la commémoration du 10 Thermidor. Un texte de notre amie Jacqueline Grimault a été lu devant le monument de la Convention et un hommage à Lepeltier de Saint Fargeau a été rendu par Maximilien Cuttoli.

HOMMAGE A MAXIMILIEN ROBESPIERRE

 

 

par Jacqueline GRIMAULT

Professeur d’université

Nanterre.

 

Maximilien,

il y a presque un demi-siècle déjà, qu'André Malraux accueillait ici Jean Moulin, évoquant en même temps que ce grand Résistant, nos soldats de l'an II. Tu as été toi aussi un grand Résistant et un magnifique soldat. Mathiez a écrit un jour, à propos d'une de tes interventions, que tu avais tous les courages... Il avait raison, mais il faut dire que tu étais bien armé pour çà ! Mirabeau, grand connaisseur du genre humain disait de toi «Il ira loin il croit tout ce qu'il dit et il n'a pas de besoins ». Formule qui définit a quelque chose près, un homme essentiellement libre. Et c'est, en effet, souvent envers et contre tous qu'on t'a vu durant ta courte vie politique monter au créneau.

En octobre 1789, tu étais le seul député à t'élever contre la loi de sang, la loi martiale. Et s'il est inutile d'énumérer aujourd'hui les nombreux combats que tu as menés et que tous tes amis ici présents connaissent, nous aimerions rappeler que, fréquemment en butte aux huées et aux sarcasmes de tes collègues, tu n'as jamais renoncé à tes convictions, faisant même preuve parfois d'un sacré toupet ! Ainsi, le 17 août 1790 au cours de la discussion sur le code pénal de la marine et devant les sévices infligés aux simples matelots, tu avais le front de déclarer : «Je trouve un contraste étonnant entre les peines portées contre les matelots et celles contre les officiers... je demande que les mêmes fautes soient punies par les mêmes peines, si on les juge trop sévères pour les officiers, qu'on les supprime pour les soldats». Ou encore le 17 mars 1791, lorsque demandant la libération immédiate du curé et maire d'Issy-L'Evéque, emprisonné depuis six mois pour avoir taxé les grains, tu lançais comme un défi aux députés qui te manifestaient leur désapprobation: « Est-ce donc parce que celui que je défends est malheureux et sans appui que l'on murmure ? ».

C'est que la passion que tu avais au cœur était entière : elle ne souffrait aucune compromission. Elle était vouée au petit peuple des sans-culottes dont tu as défendu pied à pied les droits politiques et les intérêts sociaux ; elle était vouée à ton pays et à son indépendance. C'est elle, sans nul doute qui t'a conduit, le 27 juillet 1793, à accepter le choix qu'avait fait de toi les députés et à entrer «contre ton inclination » disais-tu, au Comité de Salut Public. Alors, dans ces temps tragiques que traversait la France assaillie sur toutes ses frontières par l'ennemi extérieur et déchirée au-dedans par la contre-révolution doublée d'une atroce guerre civile, tu as, avec les autres membres du « Grand Comité de salut public », pris les mesures draconiennes auxquelles on a toujours eu recours dans de pareilles circonstances, mais que cette époque avait la malencontreuse idée de nommer « mesures de Terreur » ; décisions vitales que n'ont pas fini de reprocher à la Révolution en général et, ce qui est le summum de la mauvaise foi ou de l'ignorance, à toi en particulier, des hommes qui, aujourd'hui, ont douillettement les pieds dans leurs pantoufles.

Oui, tu as assumé et nous sommes avec toi, ces lois qui ont sauvé notre pays et la République. Et, dans le même temps, nous rendons hommage à ton inflexibilité face à ceux qui commettaient d'inutiles cruautés et qui firent de la Révolution leur fonds de commerce. Nous savons bien d'ailleurs que c'est la catégorie de gens qui a le plus profité de cette Révolution qui tient toujours le haut du pavé. C'est pourquoi, il n'y a pas encore de rue Robespierre à Paris ; c'est pourquoi, il a fallu la pression et les secours pécuniaires de citoyens indignés pour que l'Etat se décide à enfin à conserver tes manuscrits ; c'est pourquoi tu n'es pas près de pénétrer dans ces murs. Le constat que tu faisais le 8 thermidor est toujours valable: «Le temps n'est point arrivé où les hommes de bien peuvent impunément servir la patrie... » Je n'aurai pas la cruauté de citer la fin de ta phrase, mais crois-moi, j'y adhère totalement.

Alors, comment terminer?

Je pourrais dire comme le professeur Schwartzenberg, que ton vrai Panthéon est le cœur des gens ; je pourrais dire, au risque de m'avancer beaucoup, que ton idéal de justice sociale prendra peut-être forme un jour. Mais en fait je vais simplement aujourd'hui, pour toi, pour tes amis, pour tous les révolutionnaires sincères, pour nos volontaires et leurs généraux patriotes, emprunter à Chateaubriand cette pensée qui vous sied à merveille: « Les vivants recueillent le fruit des existences oubliées qui se sont consumées pour eux ».

Merci à toi, Maximilien et merci à vous tous parce que les fruits que vous nous avez légués au prix de si lourds sacrifices, ce sont les meilleurs que notre Révolution ait produits.


                                                                                                L'Incorruptible n° 77 (3ème trimestre 2011).

lire aussi sur ce site :

ROBESPIERRE ET LA FORCE DES PREJUGES

et ce texte de Mme Grimault

http://revolution-francaise.net/2012/01/31/469-sur-robespierre-lettre-ouverte-a-la-redaction-d-historia


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