GCA. La chevalerie du roi de France (1ère partie)

publié le 18 janv. 2020, 10:11 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 26 mai 2021, 09:22 ]
    Je publie un texte de Jean FAVIER, extrait d'un de ses maîtres-ouvrages : "LA GUERRE DE CENT ANS" (Fayard). Je publie également quatre dessins trouvés sur l'encyclopédie Wikipédia qui ont l’intérêt de montrer les changements du XI° au XV° siècles. L'idée est de faire passer le vocabulaire de l'armement médiéval. Dans une seconde partie, je donnerai la définition des mots de vocabulaire non présentés dans le texte de J. Favier. NB. les mots en gras sont surlignés par moi-même.

"Ces chevaliers qui s'apprêtent à charger (Favier introduit le bataille de Crécy, JPR La bataille de Crécy (26 août 1346)) à quoi ressemblent-ils au juste ? Du croisé et du combattant de Bouvines, ils ont encore l'allure générale : celle d'un cavalier lourd, solidement appuyé sur les étriers dont il s'aide quand il faut soudain projeter, à la pointe de la lance, toute sa force vers l'avant. Il est lourd de son armement, et d'abord de cette lance - elle a bien trois mètres de long - faite d'un bois dur et ferré, calée sous coude droit en attendant le choc effroyable qui, selon l'habileté de l'un ou de l'autre, enverra la cible au sol ou l'assaillant en l'air. Dans le tournoi, où les rangs se croisent à chaque assaut, la lance est de bon usage, et les valets en tendent une autre si la première se brise. Au combat, où la mêlée suit l'assaut, la lance ne sert guère qu'une fois: mieux vaut s'en débarrasser au plus vite et dégainer l'épée....

   NB. Citation de Philippe Contamine : "c'est vers 1450 que l'armure atteint son apogée, combinant désormais l'usage des mailles et celui des plaques de métal (...)".
    Je signale également : http://www.histoire-france.net/moyen/guerre

     ... Cette épée n'est pas moins lourde, avec son épaisse lame à deux tranchants, qu'une chaînette retient si la poignée tourne dans la main. Elle est assez longue pour le combat à cheval, quand le temps de la lance est passé. Elle est assez maniable pour l'escrime à pied, quand le cavalier tombé peut se relever. Bien des chevaliers, et non des moindres, devront à leurs moulinets le salut et parfois la victoire. Mais il n'est pas indigne d'un combattant de bonne race de manier des armes moins chargées de symboles que la grande épée. II faut des muscles de fer pour faire tournoyer la masse d'armes, cette lourde boule hérissée de pointes, qui s'articule au bout d'une courte chaîne. Quant à la hache, elle sera, aux derniers moments de la bataille de Poitiers, l'arme du roi Jean.

Alourdi de son arsenal offensif, le cavalier n'est pas moins engoncé dans l'armure qui doit le mettre à l'abri des morts intempestives. Car l'idéal du chevalier est de prendre son adversaire pour en tirer rançon, non de le tuer comme font les manants. (...). On tue des piétons, des sergents et des coutilliers, des archers et des arbalétriers, toutes gens que rien ne différencie vraiment du vilain qui manie le gourdin ou le couteau. On ne tue pas le chevalier ou l'écuyer désarmé; il est même de bonne guerre de lui faire honneur et de le traiter avec largesse : on ne l'en revend que plus cher aux siens.

    C'est là, dans cette armure défensive, toujours trop lourde et jamais assez sûre, que la silhouette du chevalier a le plus changé depuis le temps des croisades. Même s'il figure encore sur les effigies équestres des sceaux, on ne porte plus guère au combat le grand heaume cylindrique (cf. ci-dessus XII°s.) qui enserrait la tête et gênait la vue. La plupart des combattants à cheval ont fait leur un casque léger, le bassinet. Une visière s'articule parfois sur 1es tempes ; on la relève hors des moments de danger.

L'écu, c'est maintenant un bouclier léger, un petit triangle que l'on porte le plus souvent accroché au cou, conservant ainsi l'usage de la main gauche pour guider le cheval. Le grand bouclier du XI° siècle (cf. ci-dessus), celui des compagnons de Guillaume le Conquérant que nous montre encore la tapisserie de Bayeux, avait pour fonction de recevoir les javelots, ces lances légères à l'ancienne mode qu'on lançait sans espoir de les récupérer. Ce temps est révolu, et la lourde lance tue comme un boutoir, non comme une flèche. L'écu est alors bien inutile: recevoir un choc de deux cents livres au galop sur l'écu ou en pleine poitrine ne change pas grand-chose : le cavalier se retrouve au sol, assommé. Au mieux peut-on détourner le coup mal porté... Quant aux flèches, que l'écu recevait avantageusement, elles volent trop vite, et il est vain de chercher à les parer.

Contre la flèche (de l'archer) ou le carreau (de l’arbalétrier), contre l'épée ou le couteau, il y a l'armure. Mais cette armure est ce que la fait la fortune de chacun. L'armure du riche baron fait rêver le modeste écuyer, souvent mieux armé pour tailler que pour se protéger. La simple cotte de mailles, ce long vêtement de souple fil de fer qui protégeait du tranchant des lames, non des pointes, paraît désormais insuffisante. On la renforce de plaques rigides, propres à dévier les coups, sinon à les arrêter. II n'est guère de cotte de fer qui ne protège ainsi d'une dure carapace la poitrine, les bras et les jambes. Ce sont des plaques de fer, de cuir bouilli, de corne, finement articulées ou tout bonnement cousues sur les mailles, selon la technique propre ou l'inspiration de l'artisan ou de l'homme d'armes lui-même. Les riches ont des jeux de « plates » qu'ils revêtent carrément sur la cotte de mailles. Les moins aisés se contentent de rembourrer de laine, de coton ou de cuir les parties du corps où le coup fait mal, même lorsqu'il ne blesse pas. De telles armures ne protégeront pas d'un grand coup de lance, elles éviteront peut-être de mourir d'un coup de sabot ou d'avoir les membres brisés d'un coup de houe.

Le cheval, lui, connaît ses derniers combats du Moyen Age. On sait qu'on ne protège pas efficacement un cheval, sauf au tournoi, où nul coutillier ne vient normalement lui scier les tendons. Et l'on va comprendre que la charge de cavalerie à l'ancienne mode est devenue une inutile boucherie en prélude au combat véritable, celui qui décide de la victoire. Quelques « plates » de fer, de corne ou de cuir protègent encore le poitrail ou les articulations ; on y renoncera vite, et le cheval sera tenu à l'écart de l'escrime. Il sera moyen de commandement, d'observation, de reconnaissance. Il sera surtout l'indispensable auxiliaire de toute manœuvre. Sans cheval, pas de surprises, pas de mouvements tournants, pas de routes coupées et de ponts occupés. Mais on se battra à pied. La lance rejoindra, dans la panoplie des tournois, les grands cimiers et les longues cottes armoriées.

En attendant, Crécy est le triomphe des coutilliers, des coupe-jarrets, des archers embusqués dans les bosquets, des piques tendues au travers des chemins comme au tournant des haies. La hache et la massue l'emportent sur la lance et sur l'épée longue.

(...).

Le bon chevalier, c'est celui qui multiplie les combats singuliers au cœur de la mêlée; l'idée d'une stratégie d'ensemble l'effleure rarement. C'est aussi celui qui remet le dernier son épée au fourreau. A Poitiers, Jean le Bon méritera son nom". Fin de la citation du texte de Jean FAVIER.

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 à suivre :

La chevalerie du roi de France (seconde partie)

 récit de la bataille : La bataille de Crécy (26 août 1346)

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