Mai
1945, les armées soviétiques assiègent Berlin tandis qu’Adolf Hitler
s’est suicidé dans son bunker, le 30 avril. À l’ouest, les alliés
pénètrent en Allemagne, recevant les capitulations locales des armées
nazies. La découverte de l’horreur concentrationnaire a achevé de
convaincre de la nécessité d’éradiquer un système, au-delà du fait de
défaire son armée. 23 h01, le 8 mai (01 h01, le 9 mai, heure de Moscou),
les combats cessent à Berlin, comme partout en Europe. Les armées
allemandes se rendent sans conditions aux forces alliées,
anglo-américaines et soviétiques. Bien plus qu’un acte juridique mettant
fin aux opérations militaires, c’est l’aboutissement d’une lutte menée
par le monde pour sa propre survie, l’éradication d’un fléau mortel
surgi en Europe vingt ans plus tôt.
Une capitulation «sans conditions»
Pour la presse française du 8 mai 1945, c’est le jour « V »,
celui de la victoire, signée symboliquement à Reims la veille, une
localisation due à la situation du quartier général allié. C’est en
effet le 7 mai, à 2 h 41 du matin, à Reims, qu’est signé l’acte de
reddition militaire. Une seconde version, similaire, est signée à
Berlin-Karlshorst, dans la nuit du 8 au 9 mai, devant les Soviétiques.
Le fait était assez nouveau à cette échelle. Lors de la guerre
franco-prussienne de 1870, de la Première Guerre mondiale ou en juin
1940, les combats avaient été interrompus par un armistice. Lors de la
conférence de Casablanca, en janvier 1943, les alliés s’étaient entendus
pour repousser tout compromis avec l’ennemi, en exigeant une
capitulation « sans conditions », signifiant la remise totale du
vaincu entre les mains du vainqueur, sans contrepartie. Ainsi, le
4e point de l’acte signé en mai 1945 stipulait qu’il pouvait être
remplacé par tout autre imposé par les Nations unies. Au-delà de
l’Allemagne étaient visés un système et une idéologie.
«Donner aux pays européens des institutions démocratiques»
Car l’acte militaire qui rayait d’un trait ce Reich
annoncé pour mille ans sonnait également la victoire de celles et ceux
qui, depuis vingt ans, dans l’ombre des prisons italiennes ou au sommet
des collines d’Espagne, avaient initié le combat antifasciste. Ce combat
était devenu mondial dès 1933, et les premiers champs de bataille
étaient à Vienne en 1934, à Madrid en 1936, sur l’ Ebre en 1938, avant
d’être portés en France l’année suivante. Ils avaient annoncé aux
démocraties libérales qu’elles seraient les prochaines victimes.
Tandis que l’Allemagne nazie était à genoux et ratifiait
sa défaite, 50 États coalisés se réunissaient au même moment à San
Francisco pour former les Nations unies et réaffirmer la primauté des
droits fondamentaux de l’homme, dans « l’égalité de droits des hommes et des femmes et des nations ». Quelques mois plus tôt, à Yalta, les alliés s’entendaient pour « effacer les derniers vestiges du nazisme et du fascisme » et permettre aux pays européens de « se donner des institutions démocratiques de leur propre choix ».
Cette intention, imparfaitement appliquée, puisait aux mêmes eaux et
suivait les principes mêmes pour lesquels s’étaient levés avant le jour
tant d’hommes et de femmes depuis vingt ans, réunis autour de
l’antifascisme, avant de l’être en continuation dans les rangs de la
Résistance et des armées alliées.