Pierre
Cot (1895-1977), c’est l’histoire d’un fervent catholique au départ
homme de droite devenu militant pour la paix et contre le fascisme, pour
des relations respectueuses avec l’Union soviétique et acteur
déterminant de l’aide à l’Espagne républicaine. Il avait perçu le putsch
de Franco, soutenu par Hitler et Mussolini, comme une répétition
générale avant la tragédie qui allait suivre. Pour toutes ces raisons et
son compagnonnage avec le Parti communiste, il affrontera des campagnes
de dénigrement inspirées par le patronat et la droite, et des
accusations, notamment celle d’être un agent soviétique. Accusations par
la suite définitivement démenties.
En avril 1928, Pierre Cot est élu député de Chambéry. À
l’occasion de la campagne électorale, il a noué de solides liens
d’amitié avec un certain Jean Moulin, alors sous-préfet à Albertville.
Il s’impose parmi les réformateurs du parti radical et est nommé
sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, puis ministre de l’Air.
Il se distingue alors dans les dossiers de l’aéronautique civile et de
l’armée de l’air. Il œuvre à la nationalisation de l’industrie
aéronautique et fait de son ministère un véritable laboratoire social.
Et surtout, ministre du Front populaire, il est l’artisan du
contournement de la politique de non-intervention, organisant avec son
équipe la livraison d’avions et d’armes à la République espagnole. Une
sacrée équipe : Jean Moulin et Jean Meunier, respectivement directeur et
chef du cabinet, et Robert Chambeiron au secrétariat particulier. Pour
ces hommes, la politique de non-intervention en Espagne est un crime et
une faute. Aussi vont-ils faire tout leur possible pour venir en aide
aux républicains espagnols.
Robert Chambeiron, dans un entretien recueilli par Claude Lecomte pour l’Humanité en novembre 1996, révélait :
« Le premier appel au secours venu d’Espagne a été, le
22 juillet 1936, un télégramme du président du Conseil, José Giral, à
Léon Blum. Celui-ci était d’accord pour y répondre favorablement sur la
base des accords franco-espagnols de décembre 1935 qui prévoyaient la
possibilité pour ce gouvernement d’acheter des armes à la France à
concurrence de 20 millions de francs. Demandes bien modestes
puisqu’elles consistaient en 20 bombardiers Potez, 10 mitrailleuses,
8 canons Schneider. Immédiatement, Pierre Cot préparait cette livraison,
sans rien prélever sur les stocks de l’armée française, contrairement
aux calomnies de la droite, mais sur un matériel destiné à des clients
étrangers. Mais très rapidement, Blum va commencer à faiblir et à
reculer. »
Léon Blum a cherché un dérivatif en tentant de contourner
l’obstacle avec une livraison par l’intermédiaire de pays tiers comme le
Mexique. Nouvelle opposition d’Édouard Daladier et d’Yvon Delbos en
Conseil des ministres. Seuls trois ministres se sont prononcés jusqu’au
bout pour l’aide à l’Espagne : Pierre Cot, Maurice Viollette, Marx
Dormoy. Pierre Cot a suggéré alors de démissionner. « Je crois même
qu’il en a parlé à Blum, mais ce sont les Espagnols qui s’y sont
opposés, préférant voir à Paris ce gouvernement plutôt qu’une droite qui
fermerait totalement la frontière », précisait Robert Chambeiron.
Il s’installe à Alger en juin 1943
Jean Moulin va particulièrement s’occuper du recrutement
d’aviateurs comme André Malraux, ainsi que du passage des brigadistes à
la frontière. D’autres hommes vont jouer un rôle important : Gaston
Cusin, futur commissaire de la République à la Libération, qui était au
cabinet de Vincent Auriol, ministre des Finances, patron donc des
douaniers et qui prit avec eux les mesures pour que les armes
soviétiques arrivées au Havre transitent par la France sans encombre.
« Ce n’est pas par hasard que tous se retrouveront dans la Résistance »,
poursuivait Robert Chambeiron.
Après avoir clairement choisi le camp de la Résistance,
tenté de rejoindre de Gaulle, qui le rejeta, et un séjour aux
États-Unis, Pierre Cot s’installe à Alger en juin 1943. Il est désigné
pour participer à l’Assemblée consultative provisoire. S’ouvre alors le
dernier temps de son parcours politique. Élu en Savoie à la tête d’une
liste d’Union des gauches à la seconde Constituante, puis député de
Savoie en novembre 1946 sur une liste de même nature, il s’inscrit au
groupe des députés communistes et apparentés.
Pierre Cot sera député jusqu’en 1968, maire jusqu’en 1971
et conseiller général jusqu’en 1973. Il restera dans l’Histoire comme
une personnalité profondément ancrée à gauche, un homme de devoir, de
loyauté et de courage.