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Robespierre, Victor Hugo et Jean-Luc Mélenchon...

publié le 9 févr. 2012, 10:24 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 24 juin 2016, 15:22 ]

    Lors du meeting du Front de gauche, à Villeurbanne, ce mardi 7 février, Jean-Luc Mélenchon a lu cet extrait des Misérables de notre ancêtre républicain, Victor Hugo.

    « En 93, selon que l'idée qui flottait était bonne ou mauvaise, selon que c'était le jour du fanatisme ou de l'enthousiasme, il partait du faubourg Saint-Antoine tantôt des légions sauvages, tantôt des bandes héroïques.

    Sauvages. Expliquons-nous sur ce mot. Ces hommes hérissés qui, dans les jours génésiaques du chaos révolutionnaire, déguenillés, hurlants, farouches, le casse- tête levé, la pique haute, se ruaient sur le vieux Paris bouleversé, que voulaient-ils ? Ils voulaient la fin des oppressions, la fin des tyrannies, la fin du glaive, le travail pour l'homme, l'instruction pour l'enfant, la douceur sociale pour la femme, la liberté, l'égalité, la fraternité, le pain pour tous, l'idée pour tous, l'édénisation du monde, le Progrès ; et cette chose sainte, bonne et douce, le progrès, poussés à bout, hors d'eux-mêmes, ils la réclamaient terribles, demi-nus, la massue au poing, le rugissement à la bouche. C'étaient les sauvages, oui ; mais les sauvages de la civilisation.

    Ils proclamaient avec furie le droit ; ils voulaient, fût-ce par le tremblement et l'épouvante, forcer le genre humain au paradis. Ils semblaient des barbares et ils étaient des sauveurs. Ils réclamaient la lumière avec le masque de la nuit.

    En regard de ces hommes, farouches, nous en convenons, et effrayants, mais farouches et effrayants pour le bien, il y a d'autres hommes, souriants, brodés, dorés, enrubannés, constellés, en bas de soie, en plumes blanches, en gants jaunes, en souliers vernis, qui, accoudés à une table de velours au coin d'une cheminée de marbre, insistent doucement pour le maintien et la conservation du passé, du moyen-âge, du droit divin, du fanatisme, de l'ignorance, de l'esclavage, de la peine de mort, de la guerre, glorifiant à demi-voix et avec politesse le sabre, le bûcher et l'échafaud. Quant à nous, si nous étions forcés à l'option entre les barbares de la civilisation et les civilisés de la barbarie, nous choisirions … les barbares ! ».

    Tout est dit.

    A la lecture de ce texte - car j’y étais ! - j’ai immédiatement pensé à Maximilien Robespierre, autre grand ancêtre, qui dit à peu près la même chose au point que je me suis demandé s’il n’avait inspiré notre grand Hugo. Voici une courte citation par laquelle on le voit s’élever contre l’aristocratie d’Ancien régime - de toute l’Europe ! - qui se dresse contre la République jacobine et sans-culotte : « Toutes les associations qui nous font la guerre reposent sur le crime : ce ne sont aux yeux de la vérité que des hordes de sauvages policés et de brigands disciplinés  … Avec quelle impudeur les rois et leurs complices font des lois contre le vol, lorsqu’ils envahissent la fortune publique ! On condamne en leur nom les assassins et ils assassinent des millions d’hommes par la guerre et par la misère » [1]

http://en.wikipedia.org/wiki/Howard_Chandler_Christy

http://en.wikipedia.org/wiki/Trumbull%27s_Declaration_of_Independence

    Je me suis intéressé, par ailleurs, à la Guerre d’indépendance des États-Unis. Chacun connaît les tableaux de H.C. Christy et J. Trumbull représentant, l’un la signature du texte de la constitution de 1787 et l’autre, le "comité des Cinq" présentant son projet de déclaration d’Indépendance au Congrès des futurs États-Unis. C’est alors que les mots de Maximilien me sont venus à l’esprit. L’élite de l’élite coloniale est ici représentée. Une élite qui a massacré des milliers d’Indiens et continuera de le faire, qui entérine l’esclavage des Noirs, qui vient de réprimer durement par moult pendaisons la révolte des farmers de Shays. Qui sont les barbares comme dirait Hugo ? Tous ces personnages poudrés et perruqués relèvent parfaitement de ce que Robespierre appelle « les hordes de sauvages policés et de brigands disciplinés ».

    Cela n’est pas sans nous rappeler aussi le remarquable film de Tavernier « le juge et l’assassin ». On s’acharne sur un malade, certes tueur en série, mais ceux qui s’acharnent brisent les grèves ouvrières dans le sang avant de préparer la grande boucherie de 1914-1918.

 

     Quant à J.-L. Mélenchon, il appelle les ouvriers et salariés à redresser la tête. Rien, absolument rien, ne justifierait qu’ils auraient honte de quoi que ce soit. Dans mon livre, sorti en 2007, j’avais - à mon modeste niveau - stigmatisé ceux qui blâmaient les "ouvriers".

    "C'est l'époque" écrivais-je "où l’on a (F.N., médias, instituts de sondages) claironné avec les trompettes d'Aïda que le F.N. était devenu "le premier parti ouvrier de France". Ah ! Ces ouvriers, soit ils votent communiste, soit ils votent F.N… Dans les deux cas, on ne peut rien faire avec eux. Place aux élites, à ceux qui savent ! À ceux qui ne font pas grève en décembre 95 ! À ceux votent oui à l'Europe ! "

    Mais l’actualité immédiate éclaire l’univers des "enrubannés" qui nous gouvernent. D’abord, l’excellent film « les nouveaux chiens de garde » montre parfaitement ce joli monde qui nous a organisé une crise protéiforme comme jamais le monde n’en a connu. Et l’affaire Woerth est un nouveau coup de foudre dans la nuit d’orage. Woerth ! souriant, brodé, doré, enrubanné, constellé, "le chaînon clinquant" comme titre L’Humanité de ce jeudi.

    Je laisse écrire, Jean-Emmanuel Ducoin, l’une des meilleures "plumes" de ce journal :

    "Jusqu'à son arrivée à l'Élysée, Sarkozy avait toujours réussi à échapper- en apparence - au cancer des « affaires », à la corruption passive ou active, aux conflits d'intérêts. Mais l'étau s'est, depuis, resserré autour du Palais d'où se dégage une haleine fétide. Comme aspiré par sa propre logique, la Sarkozye a en effet sombré en révélant sa vraie nature, un précipité de vulgarité, de voyous en smoking, d'impudence des comportements ordo-libéraux, de fric et de strass. Ne le cachons pas. Les « affaires », elles aussi, sont emblématiques du sarkozysme et témoignent de la domination des intérêts privés sur l'intérêt général. Comme si la puissance en euros des copains et des coquins s'était imposée partout, projetant sur l'Hexagone, avec une cruauté absolue, une lumière aveuglante sur une morale publique totalement dévoyée. La République « irréprochable » vantée sur tous les tons par Sarkozy est aujourd'hui irrespirable. Que les donneurs de leçons en civilisation apprennent à se taire !

    Les mots ne résistent pas à l'énumération des signes cliniques, si nombreux qu'ils pourraient occuper toutes les colonnes de ce journal. Comment oublier toutes les « affaires ». Woerth, Bettencourt, Karachi. Takieddine, les scandales Tapie, Wildenstein, Joyandet, les voyages d'Alliot-Marie en Tunisie, la nomination de Jean Sarkozy, les condamnations d'Hortefeux... sans parler des amis placés ici et là, de l'espionnage des journalistes et autres fadettes, des tentatives de mise au pas de la justice, etc. La collusion entre les arcanes du pouvoir et les puissances de l'argent a tout simplement viré à la putréfaction idéologique, au médiocre et au somptuaire mêlés. L'explication tient en un mot. L'oligarchie. Et rien d'autre. Du Fouquet's en passant par le yacht de Bolloré, comme scènes primitives, aux liaisons dangereuses avec les milliardaires et les puissants, comme scènes quotidiennes, la Sarkozye n'est que la triste illustration d'un vieux dicton vérifiable entre tous : le poisson pourrit par la tête". Fin de citation.

    Ah ! Les barbares !



[1] Cité par LOSURDO, « le révisionnisme en histoire », Albin Michel.

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