Je publie cet entretien accordé par Paul Jorion. Le texte m’a été communiqué par J.- C. Romettino, de la revue L’Improbable. L’analyse de Paul Jorion, pour aller droit au but, est très proche de celle de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche. Je vous en laisse juges. J’ai souligné - lourdement mais c’est mon réflexe de prof. soucieux de bien faire comprendre à ses interlocuteurs - j'ai souligné en rouge, les passages les plus riches d’enseignements. On lira avec tristesse ce que rapporte Jorion sur sa discussion avec son chauffeur de taxi. Il nous reste quatre mois pour faire comprendre à ces gens -somme toute honnêtes et proches de nous -que le Front de gauche est l’issue à cette situation. Jorion, lui-même, souligne le rôle de la protection sociale en France dans l’atténuation des conséquences qui se sont abattues sur les populations lors de la crise de 2008. Croit-on que le Front national est pour la protection sociale ? lui qui veut détruire l’Etat-Providence ? qui se prononce pour la retraite par capitalisation avec baisse des impôts pour ceux qui capitalisent ? Jorion ne parle pas une seconde de l’immigration. La crise que nous vivons est une crise systémique du capitalisme et « l’arabe du coin » n’est en rien responsable des yo-yo des boursicoteurs. Le FN jour un rôle particulièrement néfaste dans la prise de conscience par les gens de la réalité du capitalisme que nous vivons. Enfin, si son analyse est fortifiante, Jorion -je me permets de le dire - conclut de façon très contestable : « Les gens vont voter contre des candidats, pas pour des programmes ». Cela est faux en tout cas discutable. Le programme du Front de gauche s’est vendu à trois cent mille exemplaires, oui 300.000 ! Il y a un intérêt croissant pour les propositions de Jean-Luc Mélenchon. Amis, citoyens, ne ratons pas le coche en 2012 !! Meilleurs vœux Jean-Pierre RISSOAN
L’INTERVIEW DE PAUL JORION Paul Jorion est devenu célèbre avec la crise des subprimes de 2007 qu’il avait été un des seuls à voir venir : il travaillait aux USA dans le milieu bancaire après avoir été trader en France. Depuis, il ne cesse de mener la controverse sur son blog et par ses livres. Le 12 janvier, il sera l’invité à Lyon de la Villa Gillet, avec l’essayiste Nicolas Baverez et l’historienne Sophie Wahnich, sur le thème de la révolte[1]. En avant-première l’entretien qu’il nous accordé[2] Le pessimisme domine, en ce début d’année. Pouvez-vous nous donner une raison d’être optimisme ? Oui : les politiques savent ce qu’il faudrait faire… Le discours de Monsieur Sarkozy à Toulon, le 25 septembre 2008, a été à ma connaissance la seule déclaration par un politique qui non seulement prenait conscience de la gravité de la situation, mais aussi expliquait les mesures à prendre pour sauver le cadre existant. Mais ensuite, rien n’a été fait, ni en France ni ailleurs, pour mettre en œuvre ces mesures. Vous êtes l’un des rares économistes qui ont vu monter la crise des subprimes… Pour 2012, que voyez-vous ? Je veux préciser que, si j’ai pu en 2004-2005 faire une analyse juste de la situation, c’est parce que j’étais dans une fonction privilégiée pour la comprendre: je travaillais dans le secteur des subprimes, sur la gestion et la validation des modèles financiers. Je ne suis pas aujourd’hui dans les mêmes conditions… Il faut dire aussi que nous sommes entrés dans une période où il existe une telle multitude de facteurs, conditionnels les uns par rapport aux autres, qu’il est très difficile de prévoir ce qui pourrait se passer. Ceci posé, je dirai qu’il est assez improbable que les choses s’arrangent si on ne fait rien. Dans le cas de la zone euro, depuis l’éclatement de la crise début 2010, toutes les décisions sont prises trop tard pour être efficaces. Il faudrait renverser la vapeur, mais on ne voit pas bien comment ce la pourrait être fait... Nous vivons un désastre annoncé. Quelles seraient les mesures à prendre, selon vous ? La plus importante serait, au lieu de prendre des mesures qui impactent négativement les salaires, d’augmenter le pouvoir d’achat pour reconstruire une demande sur le marché… En clair, surtout pas la rigueur ? La rigueur est la pire des choses. Elle ne se justifie que par rapport au pacte financier européen, mis en forme sous le nom de « règle d’or », et qui est fondé sur une erreur de logique économique élémentaire. (souligné par moi, J.-P. Rissoan, nous sommes ici au cœur de la démonstration de Jean-Luc Mélenchon et du front de gauche. Je précise toutefois que Paul Jorion n’est pas membre de ce rassemblement politique). Pourtant, la plupart des experts, à commencer par Nicolas Baverez avec qui vous débattrez à la Villa Gillet, estiment que nous avons vécu trop longtemps au-dessus de nos moyens, qu’il faut maintenant payer la facture… C’est complètement faux. (idem, JPR) Ce qui s’est passé depuis les années 70, c’est une prédation accélérée des investisseurs financiers et des dirigeants sur les entreprises. Les salaires ont de fait stagné, alors qu’on vivait une période d’explosion de la productivité, grâce en particulier à l’introduction des ordinateurs. Il faudrait donc plutôt dire : les dirigeants des grosses entreprises et les actionnaires ont vécu au-dessus des moyens des salariés. Même diagnostic sur l’Etat-Providence, que ces experts veulent démanteler ? Mais si la France, et l’Europe en général, n’ont pas encaissé le coup de la crise des subprimes aussi durement que les Etats-Unis, c’est justement grâce au bouclier que représente la protection sociale. C’est le dernier mécanisme de défense contre l’effondrement du système capitaliste, la dernière chose qu’il faudrait attaquer... Mais la crise est utilisée comme prétexte pour démanteler la protection sociale, non parce qu’elle coûterait trop cher, mais parce qu’on continue d’appliquer ce programme ultralibéral qui a pourtant été complètement contredit par les faits depuis 2008. Dans le discours de Toulon que vous évoquiez, Nicolas Sarkozy annonçait vouloir réformer le capitalisme, le moraliser. Mais vous, vous écrivez que « Le capitalisme est à l’agonie » (Editions Fayard, 2011)… Oui, le capitalisme est à l’agonie parce qu’on n’a rien fait. Il était donc sauvable ? Oui, le capitalisme était sauvable. Et la responsabilité de la disparition du capitalisme sera entièrement à la charge des politiques et des responsables de banque centrale qui pouvaient sauver le capitalisme en 2009, mais ne l’ont pas fait. Et pourquoi ?... Pourquoi Nicolas Sarkozy, dont vous semblez saluer la lucidité en septembre 2008, n’aurait ensuite pas agi ? Il y a la tentation très humaine de vouloir croire que les choses pourraient s’arranger d’elles-mêmes, ce qui diminue la pression pour imposer de vraies mesures. Et puis il y a eu un rapport de force perdu entre Monsieur Sarkozy ses partenaires, par exemple une rencontre avec Monsieur Obama, qui a fermé la porte à toutes les mesures qu’il proposait. Vous écrivez, dans « La guerre civile numérique » (Editions Textuel, 2011)), que nous sommes dans une « situation prérévolutionnaire ». N’est-ce pas exagéré ? Non, le parallèle peut être fait avec 1788 : tout le monde a bien analysé la situation, mais la classe dirigeante reste « assise sur ses mains », comme on dit en anglais, elle espère que les choses vont s’arranger d’elles-mêmes. C’est criminel. Vous pensez donc que les gens vont se révolter ? Oui… Les mouvements d’indignés sont des protestations qui restent assez domestiquées. Dans certains pays, les gens réagissent en fonction de leur degré de souffrance : ils manifestent un peu quand ils souffrent un peu, et davantage s’ils souffrent plus... Mais en France, on n’a pas cette tradition. On encaisse jusqu’à un certain seuil, et puis ça explose. Et vous pensez que nous y sommes ? Oui, on arrive à un seuil. Cela se manifeste de manière indirecte, dans le nombre de gens qui se disent prêts à voter pour le Front national. Je discutais l’autre jour avec un chauffeur de taxi : il m’a fait une analyse de la situation qu’on dirait d’extrême gauche, et à la fin il m’a expliqué qu’il allait voter pour Marine Le Pen… Cela n’avait pas de sens au niveau politique, mais c’était sa manière à lui d’exprimer son indignation. La campagne présidentielle peut-elle permettre de mieux débattre et d’avancer vers des solutions ? Les candidats « éligibles », Messieurs Sarkozy et Hollande, resteront dans le cadre défini par la Banque centrale européenne et le FMI, c’est-à-dire l’absence de mesures véritable, comme depuis 2010. Les gens manifesteront leur désaccord par des votes de protestation, par les votes blancs et nuls, et par l’abstention. Les gens vont voter contre des candidats, pas pour des programmes.[1] Jeudi 12 janvier, 20h30, Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon : « Quand le peuple agit : révoltes, révolutions, réformes », débat entre Paul Jorion (www.pauljorion.com/blog), Nicolas Baverez et Sophie Wahnich. Renseignements : 04.72.07.49.49 et www.croix-rousse.com. [2] Recueilli par Francis Brochet, journaliste au PROGRES de Lyon. |
Articles > 5. Le Front de gauche >