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Claude Mazauric, P.C.F., Mélenchon, la matière et l’anti-matière…

publié le 27 juin 2011, 03:39 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 6 sept. 2016, 02:14 ]
  26/04/2011  

Je publie aujourd’hui de larges extraits d’un texte de Claude Mazauric qu’il intitule sobrement : 2012. Claude Mazauric appartient à la lignée des grands historiens de la Révolution française avec son ami Michel Vovelle. Tous deux sont les dignes successeurs d’Albert Soboul qui lui-même prolongeait Georges Lefebvre, E. Labrousse et avant eux Albert Mathiez et Jaurès. Bref, des géants. Mais C. Mazauric s’exprime aujourd’hui en simple citoyen et si je lui laisse cette place dans mon blog c’est parce qu’il ne veut pas "cacher la satisfaction qu’il éprouve de (se) trouver en pleine convergence avec la proposition du premier responsable du PCF"  lequel a dit le 8 avril dernier "…je pense que la candidature de Jean-Luc Mélenchon peut être envisagée par notre parti dans le cadre d’un accord d’ensemble avec nos partenaires, etc.…". Cette satisfaction est mienne. Le lecteur pourra relire mes propos parus les 28 janvier , ou le 25 janvier, Mélenchon dessine sa stratégie…  ou encore le 15 janvier, MELENCHON, A. GERIN, le PCF et la V° RÉPUBLIQUE…

Je pourrais dire que C. Mazauric fut membre du Comité central du parti communiste français lors même qu’il était au faîte de sa carrière mais cela pourrait donner une image restrictive de ce qu’il est. Donc je ne le dirai pas. En revanche, je dois quelques explications sur ce titre que j’ai voulu délibérément accrocheur "matière et anti-matière". La candidature de Mélenchon à la présidentielle est une anti-candidature qui doit être menée avec les 577 comités de circonscription législative et les milliers de militants afin de montrer que l’essentiel est ailleurs que dans la course à l’Élysée. Elle est dans la révolution citoyenne, dans le fait que chaque individu s’empare des problèmes de la nation pour émettre un avis et discuter avec ses pairs. Le philosophe Denis COLLIN dit avec justesse "l’aspiration normale, naturelle, chez l’être humain, c’est d’être à soi-même son propre maître".[1] De ce point de vue, nos élections présidentielles successives sont d’un ringard absolu. Abandonner les pouvoirs à un homme seul et ensuite attendre passivement les changements promis, cela ne convient plus. Cela ne correspond plus aux exigences de notre époque. Il faut remettre sur pieds une démarche authentiquement révolutionnaire. "Nous sommes tous des candidats", voilà le slogan des militants et sympathisants du Front de Gauche.

    J.-P. R.

 

2012

    Par Claude MAZAURIC

    On ne peut penser que du bien du rapport de Pierre Laurent présenté au conseil national du Pcf le 8 avril dernier. Au milieu de tant de bonnes choses, j’approuve en particulier qu’il ait énoncé ceci : « …je pense que la candidature de Jean-Luc Mélenchon peut être envisagée par notre parti dans le cadre d’un accord d’ensemble avec nos partenaires, etc. ». Comme j’avais déjà à plusieurs reprises depuis plus d’un an, formulé un souhait identique, devenu de ce simple fait une parole prémonitoire, je ne cacherai pas la satisfaction que j’éprouve de me trouver en pleine convergence avec la proposition du premier responsable du Pcf.  Bien entendu, au regard des  grandes directions considérées, cette proposition n’est pas nécessairement la plus importante dudit rapport mais, pour diverses raisons, elle en est assurément la plus remarquée. Je suis d’ailleurs persuadé que ladite proposition rencontre, et rencontrera, l’approbation de l’immense majorité des communistes. Pourquoi cela ?

    La première raison est que cette proposition, quand elle sera mise en œuvre, contribuera à subvertir l’autorité idéologique de cette ineptie officialisée, selon laquelle l’élection présidentielle devrait être tenue, et acceptée comme telle par tous, comme le moment principal de la vie politique du pays : que ses effets aboutissent à donner un pouvoir gigantesque au président élu et à orienter tous les choix décisifs qui engagent le pays, est indéniable. Mais c’est précisément pourquoi nous devons combattre et combattons ce dispositif et la théorie qui le fonde ! Car nous savons qu’il est dommageable au bon fonctionnement de la démocratie, dite représentative, instituée au centre du projet républicain, à fortiori au cœur d’un modèle républicain de démocratie réellement participative comme nous la voudrions ! Sans le fonctionnement de l’armature hyper-présidentialiste que nous subissons, croyez-vous par exemple que Sarkozy aurait réussi à imposer, contre la majorité de l’opinion et de tous les salariés, sa prétendue « réforme » réactionnaire des retraites ? Certes, sa « victoire » est une victoire à la Pyrrhus qui l’a tué en réputation, lui et ses serviteurs (et je n’évoque à ce propos que pour mémoire, le nommé Woerth, préposé hier à l’ordonnancement des basses œuvres, devenu depuis un personnage fantomatique) mais si nous sommes convaincus que le fardeau du discrédit qui pèse depuis sur les épaules du président l’accompagnera en enfer, il n’empêche que le mal est fait… Et l’on voit déjà que le programme affiché du Parti socialiste pour 2012, en tient pour acquises les principales stipulations, ce qui donnera bien du fil à (dé)tordre dans le futur.

    Chacun le sait, la réforme constitutionnelle Chirac-Jospin (merci Jospin !) a contribué à renforcer le caractère de monarchie élective, de quasi-monocratie de fait, de la Cinquième république. Partout dans le monde, les analystes lucides qu’il m’arrive de rencontrer n’en reviennent jamais de constater que dans ce vieux pays régicide et républicain, on puisse sans cesse partir à la recherche d’un césar, d’un tribun, d’un sauveur suprême et se soumettre un temps à sa férule. En effet, en regardant notre histoire du haut des deux siècles écoulés, quelle succession cruelle et grotesque de quasi-monarques parvenus à l’exercice personnel du pouvoir d’État ! Une suite aléatoire qui serait inintelligible si on ne la rapportait synthétiquement à la dynamique même de l’histoire française des rapports de classes  : Bonaparte se faisant sacrer « Napoléon 1er empereur », trois « rois » à la suite, deux  « restaurés », le troisième investi  sur un balcon d’hôtel de ville, les deux derniers qu’il a fallu chasser par l’insurrection, le sinistre Badinguet imposé comme sous l’effet d’une nécessité située hors du temps, moins de vingt ans plus tard, liquidé au su de sa défaite militaire. Et voilà que soixante-dix ans plus tard, une autre défaite encore plus retentissante, amène au pouvoir la vieille baderne réactionnaire et fascisante du nom de Pétain, lequel s’empresse de faire endosser la responsabilité du crime de capitulation qu’il a commis face à l’envahisseur nazi, à celles et ceux qui étaient les victimes de sa classe et de son camp ! Si de Gaulle, revenu au pouvoir à la suite d’un coup de force conjoncturel d’origine coloniale, échappe à la vindicte verbale que m’inspire l’histoire des coups d’Etat qui ont accompagné le chemin de croix républicain de la France depuis deux siècles, c’est que son action antérieure de sauvetage héroïque mise au service de la nation éplorée, tout comme son respect final d’institutions républicaines qui n’avaient pas entraîné initialement son aval, le placent ailleurs et largement au dessus de la mêlée… Mais n’en cherchez pas deux comme lui dans l’histoire contemporaine de la « France bourgeoise » comme écrivait Henri Guillemin : la veine en est épuisée.

(…)

    Mais j’en ai assez dit : rien de démocratique dans la course à la présidentielle. Puisqu’on ne peut échapper au calendrier qu’elle impose sous peine de disparaître du champ politique, et en attendant la future République, il faut s’y soumettre en ayant la volonté d’en faire autre chose, en faisant tout pour en subvertir la logique. L’autre chose que nous devons rechercher, est de créer les meilleures conditions de préparation des élections législatives consécutives, où s’exprimera, sinon parfaitement, du moins un peu mieux, l’opinion réelle du peuple souverain. De ce point de vue, le rapport de Pierre Laurent et la résolution majoritairement adoptée par le C.N. du PCF, plaçant au centre de la bataille électorale à venir, le programme partagé et l’unité renforcée du Front de gauche, tout au long du processus électoral de 2012, répond à l’évidence à cette exigence. Ce qui entraîne mon approbation entière.

(à suivre)


[1] Longue interview dans l’Humanité des débats (22-23-24 avril 2011). 

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