Cette
scabreuse affaire est évidemment pain béni pour les médias qui vont décupler
leurs ventes. N’étant pas détective, je me garderais bien de tout commentaire.
Wait and see… comme on dit ailleurs.
Ce
qui est effarent, c’est l’impact de cette affaire sur un certain électorat qui
s’apprêtait à voter pour DSK à la présidentielle. Il est vrai que si les faits
étaient confirmés, il est clair que cette élection prendrait un tour tout
différent. A partir de là, cela intéresse (presque) tout le monde. On mesure à
quel point la vie politique française est personnalisée. Un seul être vous
manque et tout est démoli, tout est perdu, on aura Sarko2, etc., etc. …
Sont
particulièrement égarés ceux qui voulaient que - grâce à DSK- tout change pour
que rien ne change. Tout change : plus de bling-bling à l’Elysée, plus de
Hortefeux, plus de Guéant, changement de têtes dans le PAF, que sais-je ?
Pour
que rien ne change : profits des entreprises, les très hauts salaires, la
concurrence libre et non faussée, l’austérité budgétaire Paris-Berlin, le luxe
pour les uns, quelques miettes pour les autres, rien pour beaucoup.
Pendant ce temps, l’autre tisse sa toile…
Pendant
que cette affaire défraye la chronique, Le FN présente son programme
économique. La démagogie dégouline et fait déborder la vase mais qu’on s’y
arrête néanmoins[1].
Le "pouvoir d'achat des Français" est une question "de premier plan". L’Etat FN devra "engager certaines
dépenses publiques pour redresser le pouvoir d'achat".
Keynésianisme inflationniste interdit par le pacte Paris-Berlin mais le FN n’en
a cure puisqu’il est contre l’Europe de Bruxelles. Pendant qu’elle défendra les
"petits" commerçants
et artisans, M. Le Pen "s’attaquera" à la grande
distribution à qui elle veut imposer un encadrement des prix de certains
produits alimentaires de base. La taxe intérieure sur les produits pétroliers
(TIPP) serait baissée de 20 %. La perte de recettes pour l'Etat serait
compensée par une "surtaxe" sur les "superprofits des
grands groupes pétroliers". Le FN veut lutter contre le grand capital…
Je
cite l’article du Monde : M. Le Pen "préconise non seulement l'interdiction des stock-options,
des parachutes dorés et des retraites chapeaux, mais aussi l'essor d'un "capitalisme
populaire". Dans les entreprises de plus de 50 salariés, serait ainsi
instaurée une "réserve légale de titres", pour "reconnaître
au personnel une part de propriété dans l'entreprise". Les salariés "dans
leur globalité", précise Mme Le Pen, pourraient devenir
collectivement "propriétaires" de 10 % de l'entreprise". Cette proposition sera
certainement vécue comme audacieuse : les prolos enfin propriétaires de
leur boîte… Sauf qu’ils n’auront pas de droit de vote et donc resteront exclus
de la marche de l’entreprise. Et qu’un ouvrier ne pourra pas réaliser son actif
puisque c’est une propriété collective. Mais enfin, le coup risque de porter.
Et
encore : M. Le Pen "cite les travaux des économistes Thomas Piketty (proche du
PS), Camille Landais et Emmanuel Saez. Elle veut "rendre progressif
l'impôt sur les sociétés", en taxant davantage les bénéfices
distribués sous forme de dividendes. Un mécanisme similaire est décliné pour
les ménages : l'impôt sur le revenu taxerait davantage les revenus du capital
et allégerait ceux du travail".
Sans
vergogne, le FN reprend le vocabulaire de gauche et feint d’opposer le capital
et le Travail.
Quand va-t-on faire de la politique ?
DSK
l’avait dit et répété : "je
suis un social-démocrate". Mais qu’est-ce ? Le chancelier Helmut
Schmidt l’a défini en son temps : "les profits d’aujourd’hui sont
les investissements de demain et les emplois d’après-demain". En plus
des emplois -ou s’y substituant- on peut avoir des gains de pouvoir d’achat,
bien sûr. Mais de toute façon, la priorité, au moins chronologique, c’est de
faire des profits et un gouvernement social-démocrate c’est un gouvernement qui
fait faire des profits aux entreprises. C’est pourquoi les socio-démocrates
sont en odeur de sainteté auprès du grand patronat.
Ce qu’on peut craindre, pour la présidentielle, ce
serait un second tour DSK-M. LePen qui se transformerait en une lutte de
classes renversée : les prolos, attirés par son miel et sa confiture,
voteraient FN, et les bobos et Neuilly conquis par sa classe intellectuelle et
son aura de magicien des finances voteraient - à gôche ma chèèère- pour DSK.
Dans mon livre Traditionalisme et Révolution,
j’ai montré, je crois, l’opposition qui existe entre petit et grand patronats.
On retrouve cette distinction en Italie, où Berlusconi a le soutien des PME/PMI
et s’est heurté à la Cofindustria. Philippe de Villiers, en France,
était aussi le héraut des PME contre les Bayer et autres BASF. Les divisions de
la droite française sur l’Europe recoupaient/recoupent souvent l’opposition
entre un patronat hexagonal et un autre plus mondialiste.
Le FN soucieux de préserver sa base patronale
hexagonale fait les yeux doux au populo minuto. Que la gauche se garde
d’apparaître comme le courant qui défend le patronat globalisé. Le Front de
gauche a un gros travail devant lui. Il faut faire éclater cette fausse
opposition FN/Social-démocratie.
L’émancipation
des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes !
C’est
pourtant clair.
[1] Ce qui suit est tiré de
l’article du MONDE, édition du 15 mai 2011, signé Abel MESTRE.