Dimanche
soir eut lieu le derby Lyon - Saint-Etienne. Folklore habituel. Les lecteurs de
ce blog sont vraisemblablement dans l’ignorance de ce qui peut se dire à propos
d’un tel match et d’autres matches de foot-ball en général. Ce peut être
stupéfiant.
Ainsi
j’ai bondi à la lecture de ce propos tenu sur un forum de foot. Le forumer
s’étonne qu’une tribune du stade de Gerland ait trop applaudi les
« Verts » au moment du but :
« Une
vague de joie frénétiquement verte (couleur stéphanoise, JPR) s'est alors emparée de la tribune...J'ai
cru un instant être à Geoffroy Guichard...et une haine rageuse et vivifiante a
aussitôt pris le contrôle de mon corps. Déjà lors des confrontations face à
l'ennemi marseillais, j'avais trouvé la tribune relativement colorée façon ciel
et blanc, mais ce 100ème Derby de l'Histoire a mis en exergue l'indéniable face
de notre "public". Il n'est pas exclusivement lyonnais et encore
moins lors de la venue de l'ennemi régional... ».
Ce
qui m’a fait sursauter c’est ce passage « une haine rageuse et vivifiante
a aussitôt pris le contrôle de mon corps ».On notera au passage que l’on
n’a pas affaire, ici, à un analphabète.
Vivifiante ?
Une haine vivifiante ! Oxymore. La haine, c’est potentiellement la mort,
pas la vie. On retrouve les propos des « jeunes gens de 1912-1913 »
relevés par AGATHON.
Voici un extrait de Traditionalisme & Révolution.
« La
force, la force physique s'entend, les jeunes de l'aujourd'hui de 1912 n'ont
que ce mot à la bouche. L'un va jusqu'à écrire : "la boxe, reine
incontestée des sports nous redonna le goût du sang" (souligné
par l'auteur, présenté comme un jeune écrivain sportif). On a vu plus haut un
étudiant en Sorbonne- Sciences-Po accepter de jouer du poing dans le débat
d'idées… et Georges Valois -créateur du premier mouvement fasciste après la
guerre de 14-18- recommande à ceux qui reprochent à l'Action française -dont il
était alors membre- de ne pas soulever les forces profondes, irrationnelles de
l'être humain, "entrez dans une réunion nationaliste, mêlez-vous aux
camelots du roi, un jour de manifestation, restez au milieu d'une bagarre, un
jour de réunion houleuse, et vous m'en direz des nouvelles". Mais il y
avait une revanche à prendre sur les vainqueurs de l'Affaire Dreyfus et elle a
été prise si on veut bien croire celui qui a commis les lignes suivantes :
"Il est vrai de dire aujourd'hui que la patrie n'a jamais été plus
aimée, l'armée plus populaire, l'ordre plus souhaité, et même la force
physique, la force brutale qu'ils –les Dreyfusards - incarnaient dans
les "brutes galonnées" et dénonçaient avec toute la rancune
d'êtres chétifs et rabougris, la force n'a jamais été plus honorée. Cette
revanche est juste". Et le même de s'esbaudir devant cette nouvelle
jeunesse : "ils voient la vie comme un combat, un beau combat à coups
de poings, où ils apportent, avec une loyauté réelle et une endurance digne
d'éloges, la férocité allègre d'un boxeur désireux de vaincre". Là
également, inquiétude et lucidité comme chez ce professeur de philosophie du
lycée Condorcet qui écrit à Agathon : "Il paraît bien que la jeunesse
d'hier était cérébrale, tandis que celle d'aujourd'hui est manifestement
musculaire. L'une s'est perdue par le culte de l'idée ; prenez garde que
l'autre ne se laisse gagner par l'idolâtrie de la force". »
Le
thème de la guerre et/ou de la mort est fréquemment présent.
« En perdant ce derby, je me rends compte que la haine
contre les Verts est plus présente que jamais.
« La guerre civile si on ne remporte pas ce derby
la semaine prochaine...
« J'ai ressentis la même émotion que toi à commettre un
meurtre devant ma télé !
« Et si on perds, on organise un petit suicide
collectif.
« Le seul truc qu'on fera, c'est humilier leurs
supporters à Gerland. Sportivement, c'est mort par contre.
La
déspécification de « l’ennemi » (comme dirait le professeur Losurdo)
est tout aussi présente :
« On (n’) est plus en position de négocier face à la
Vertmine.
« L'union sacrée pour battre la vert-mine!
« Un derby ca se joue sur le terrain et dans les
tribunes! Et il est hors de question de laisser mon stade aux chiens verts!
« Ville de merde, club de merde, supporters de merde,
il n'y a vraiment rien à sauvé dans le Forez.
Les
Stéphanois sont très souvent comparés à des « Roumains » ou à des
« Albanais », ce qui est toléré par les webmasters.
La violence sur les boucs-émissaires est ouverte :
« Si on perd, je pense qu'il va y avoir des agressions
sur Puel.
« et qu'on le marque au fer rouge avec un beau "INCAPABLE"
sur les fesses
Les
Identitaires lyonnais sont présents sur le forum et, parfois, se présentent
comme tels. La lyonnitude est présentée comme le summum et le supporter
de l’Olympique Lyonnais qui habite à Strasbourg, à Châteauroux ou ailleurs
n’est pas reconnu comme tel. A ce titre, l’Equipe de France est rejetée, seul
compte le club local. C’est aspect est généralisé. J’ai vu dans d’autres
circonstances des slogans tels que « Marseille indépendant » ou
encore « ni Italiens, ni Français, Niçois ! ».
Il
ne s’agit pas d’un discours politique très élaboré. Mais pour ce qui me
concerne, j’y vois la bête immonde en germe. On sait que le F.N. aussi fait de
l’entrisme dans les associations de supporters. Il y défend « ses
couleurs ».
Lorsque
j’étais enfant, lors de la présentation des équipes, l’équipe visiteuse se
présentait la première et seule, elle était applaudie successivement par les
différentes tribunes. Brutalement, les applaudissements ont été remplacés par
les insultes les plus grossières et il a fallu faire entrer les deux équipes
simultanément afin que les encouragements pour l’équipe locale couvrent les
insultes pour les autres.
On
ne voit pas où est le progrès.
[1] Je rappelle
que AGATHON est un pseudonyme sous lequel
se cachent deux écrivains nationalistes : H. Massis et A. de Tarde. Les deux
hommes ont fait une "enquête" sur les "jeunes gens
d'aujourd'hui" -1912- publiée dans un journal périodique. Puis les
articles ont été rassemblés dans un livre avec les réponses de personnalités à
cette enquête et les réponses d'Agathon à ces réponses. J'utiliserai le livre
paru en 1913 : "les jeunes gens d'aujourd'hui".
[2] Henry du
Roure, ancien collaborateur de Marc Sangnier. Comme on le voit, la condamnation
du Sillon n'a pas été sans effets…
[3] Chapitre
XIII, Vive la tombe !
[4]
L’entraineur lyonnais.