Suite à mon article sur la Moselle traitant
du cas de ce syndicaliste qui se présente aux cantonales sous l’étiquette F.N.,
je me dois de donner suite aux interrogations qui percent à travers le nombre
de demandes de lectures sur ce thème (notamment un lecteur qui s’interroge sur
"les valeurs de la C.G.T.").
Voici un article de l’Humanité qui rend compte de débats au sein de la
CGT-Moselle sur cette irritante question.
L’OPA du Front national sur la détresse
sociale (jeudi 3 mars 2011)
L’exclusion de la CGT d’un militant encarté au FN révèle la
tentative de détournement des aspirations sociales par l’extrême droite. Metz
(Moselle),
envoyé spécial.
Les digues tiendront-elles, alors que «chez nous, les trois quarts ne se cachent plus de voter Le Pen ou
Sarkozy», lâche un responsable cégétiste mosellan ?
Sans doute pas sans réaction vigoureuse, et c’est de cela dont il fut question,
lundi, à Metz, où la CGT a voulu marquer l’incompatibilité fondamentale entre
l’organisation syndicale et l’extrême droite. Trois heures durant, 150
adhérents et responsables de la CGT en Lorraine ont échangé autour du cas de
Fabien Engelmann (lire l’Humanité du 23 février 2011), écarté de la CGT
lorsqu’il a révélé son appartenance au FN et sa candidature aux cantonales. Le
préambule des statuts de la confédération, qui stipule que la CGT «agit […] contre les discriminations de
toutes sortes, le racisme, la xénophobie et toutes les exclusions», ne
suffit pas à lui seul, entre malaise palpable et volonté de regagner le terrain
perdu dans un salariat lorrain fracassé par la crise. Denis Pesce, responsable
départemental, rappellera que la CGT a «vocation
à défendre les salariés quelle que soit leur origine. Les seuls droits des
salariés sont collectifs et existent à partir du moment où tous en bénéficient.
Ceux d’Arcelor-Mittal ont-ils le sentiment d’avoir perdu leur emploi à cause
des immigrés ou à cause des patrons ?»
Baptiste Talbot, secrétaire de la fédération des services
publics, est convaincu d’une opération concertée. L’irruption d’un ténor du
barreau,
Me Gilbert Collard, pour défendre la
réintégration d’Engelmann, pris sous son aile par Louis Aliot, le numéro deux
du FN, montre que «les masques tombent,
s’il en était besoin». Sans compter «la
déclaration d’amour soudaine à l’égard des fonctionnaires dans une lettre
publique de 3 pages, alors que le FN veut supprimer 20.000 postes» ; tout laisse à penser que le FN est en mission.
Les motifs d’affaiblissement de
la conscience politique des salariés sont connus :
«Le salariat éclaté, souligne Jacques
Maréchal, de l’union locale de Metz, induit
un autre rapport au collectif».
«On a abandonné la lutte des classes»,
suggère l’un. Pour un autre cégétiste, «dans cette Lorraine
construite avec la sueur et le sang des immigrés, il est temps de parler
à nos membres de liberté et pas seulement de casse-croûte». «Cela tient sans doute aussi à la difficulté que nous avons à construire des luttes
interprofessionnelles, qui injecteraient plus de collectif entre nous», relève un métallo. La crise,
aussi, complique la tâche. «Après un plan social, comment
voulez-vous que l’on reprenne l’initiative dans une boîte ?» «En 2009, souligne un syndicaliste de Florange, les salariés commençaient à prendre
conscience du poids de la finance et des choix gouvernementaux dans la crise.
En montrant du doigt les immigrés, le FN au fond protège ceux qui sont la cause
de notre malheur :
les capitalistes».
Alors, Fabien Engelmann, cas
isolé ou tête de pont ? «Des militants CGT qui votent FN, sans aucun doute. Qu’ils soient adhérents du FN en
même temps, je suis plus circonspect»,
tempère Jacques Maréchal, sans se voiler la face. La CGT est, avec Sud,
la formation syndicale la moins perméable à l’extrême droite, selon les études
d’opinion. Tandis que la CFTC tolère dans ses rangs le conseiller régional FN
Thierry Gourlot, «la CGT n’a pas le monopole de la lutte contre
le FN», grince Jacques
Maréchal. Chacun sent le moment crucial sur une terre où, rappela un militant
de Saint-Avold, «les mineurs ressortent tous noirs du puits».
Lionel Venturini