LE F.N., LES RICHES ET LES AUTRES, LA CLEPSYDRE LE PEN

publié le 27 juin 2011, 02:44 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 1 juil. 2011, 08:19 ]
  avril 2011  

Le F.N. se présenterait maintenant comme un parti "attrape-tout" (catch all party disent les politologues anglo-saxons avec une nuance péjorative dans catch qui induit l’idée de démagogie). Cette disposition à capter les voix de toutes les classes sociales est typique des partis conservateurs. Si LePen poursuit une formidable campagne démagogique en direction des classes ouvrières, il n’en garde pas moins une audience dans les catégories aisées[1].

Je rappelle qu’en 1984, ce sont ces catégories qui lui donnèrent le plus de voix : c’est la "réaction patronale" qui suit toute victoire de la Gauche (1924, 1936...) puis, progressivement, ces catégories évoluent vers d’autres candidats plus présentables politiquement : De Villiers, Madelin, Boutin, Charles Millon en Rhône-Alpes, vote "stratégique" qui consiste à voter pour un candidat dont on sait qu’il ne sera pas élu mais vote qui permet de faire pression sur le candidat présidentiable (Chirac). En 2007, Sarkozy a retenu la leçon et, candidat de la droite décomplexée, rafle la mise et obtient des scores mirifiques dans les banlieues huppées ou dans les arrondissements des "beaux quartiers" à Paris et Lyon. Il est clair que Sarkozy a siphonné les voix FN chez les riches à l’occasion de la présidentielle 2007.

Si Marine LePen déroule un discours nettement ouvriériste, l’influence de ses phrases persiste chez les riches. On peut en avoir une idée à la lecture d’un sondage exclusif IFOP pour l’Humanité sur "l’opinion des Français à l’égard d’une baisse de l’impôt sur la fortune (ISF)". La question posée revient à demander si l’on est favorable ou pas à l’ISF.

sympathisants

++

+

-

--

Gauche

  6

14

31

49

F.N.

13

19

19

49

UMP

23

38

25

14

Source : IFOP, sondage effectué entre les 29 et 31 mars 2011.

++ : très favorable ; -- : très opposé.

 

On observera la linéarité de l’opposition des sympathisants de la Gauche à l’ISF : un peu comparable à son influence au sein de la pyramide sociale. D’ailleurs, le sondage donne la répartition des opinions en fonction des catégories CSP de l’INSEE[2]:

CSP

Retraités

ACCE

CPIS

PI

Empl.

Ouv.

Favorables

50

40

31

30

27

12

Dont "très fav. "

20

19

15

  9

  6

  2

 

Cette linéarité (descendante cette fois) s’observe également chez les sympathisants UMP à partir de l’option "assez favorable" (indiquée par le signe +).

Revenons à notre problématique. Les sympathisants FN sont plus de deux fois "très favorables" (++) à l’ISF que les sympathisants de gauche : 13% contre 6. Comme les ouvriers, dans leur ensemble, ne sont que 2% à y être très favorables, ce ne sont pas eux qui expliquent ces 13% du FN : une partie de l’élite fortunée reste sous influence de l’idéologie libérale du FN. Touchez pas au grisbi !

Evidemment, on aura remarqué le même taux de "très opposés" (49%) à gauche comme au FN. C’est la preuve de l’influence prise par le FN dans le salariat modeste. Ce parti apparaît comme "interclassiste", mangeant à tous les râteliers. Populisme et démagogie sont ses deux mamelles.

On ne peut que constater cette cécité de l’électorat modeste qui ne voit pas les manipulations dont il est l’objet. Mais depuis l’invention du suffrage universel, les conservateurs n’ont eu de cesse de trouver des détours pour obtenir les voix de ceux qui n’ont aucun intérêt à la conservation sociale : l’initiateur fut Louis-Napoléon Bonaparte. A la fin du XIX° siècle, l’Action française de Charles Maurras, inspirateur de Jean-Marie Le Pen, lança une grande campagne en direction des ouvriers qu’il fallait rallier à la contre-révolution. Ce ne fut pas sans succès (cf. par exemple, la création du cercle Proudhon)[3]. 


[1] Lire l’article du 8 mars 2011, "le FN ? C’est d’abord les riches", celui du 15 mars 2011, "LE F.N. et le vote stratégique des Riches : PRESIDENTIELLE 2002". Egalement : le vote FN à Paris du 31 juillet 2010.

[2] Je rappelle la signification des sigles : ACCE =artisans, commerçants, chefs d’entreprise ; CPIS = cadres dirigeants et professions intellectuelles supérieures ; PI = professions intermédiaires ; employés et ouvriers.

[3] Sur ce point d’histoire, lire les chapitres 12 et 13 (vol.1) de "Traditionalisme et Révolution". 

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