Extrême droite : Derrière le masque identitaire, le racisme et la violence…

publié le 27 juin 2011, 02:49 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 1 juil. 2011, 06:07 ]
  01/06/2011  

Dans le cadre de ma série d’articles sur les Identitaires lyonnais, je publie ce reportage paru dans l’Humanité du 31 mai 2011.

Dans l’ombre d’un FN de plus en plus banalisé, les groupuscules néofascistes profitent du climat xénophobe pour s’afficher au grand jour. Comme à Lyon, où les jeunesses identitaires et autres skinheads multiplient les actions violentes.

 

Par Loan Nguyen

Lyon (Rhône), correspondance.

Vu de loin, on aurait pu croire que la gay pride était arrivée à Lyon avec un mois d’avance. Agglutinés devant un char orné de grappes de ballons roses, environ quatre cents militants d’extrême droite étaient venus, samedi 14 mai, d’un peu partout en France et même d’Europe pour protester contre «l’islamisation de la France», en plein cœur du vieux Lyon[1]. Dans une tentative désespérée de policer leur image, les jeunesses identitaires lyonnaises avaient recyclé ce qu’elles avaient pu du matériel prévu pour leur «marche des cochons», finalement interdite. Exit donc les masques porcins, ne restaient plus que les ballons et tee-shirts absurdement roses des organisateurs, tranchant comiquement avec la masse des crânes rasés venus cracher publiquement leur haine des musulmans, sous couvert d’un rassemblement au nom de la «liberté d’expression». Pendant ce temps-là, de l’autre côté de la Saône, le Collectif de vigilance contre l’extrême droite –regroupant une trentaine de partis de gauche, de syndicats et d’associations– mobilisait quant à lui près de 2.000 personnes, malgré la pluie battante. Une supériorité numérique qui n’empêche pas ces groupuscules, identitaires comme néonazis, de s’afficher de plus en plus ouvertement. "Il y a une arrogance des groupes d’extrême droite à Lyon qui rappelle des mauvais souvenirs des années 1930", juge Jean-Louis Touraine, adjoint (PS) à la tranquillité publique et à la sécurité de la ville de Lyon.

Un sentiment d’impunité qui se traduit par la multiplication d’actions coup de poing, parfois littéralement, à l’encontre de tout ce qui semble menacer de près ou de loin leur identité blanche et européenne. À l’issue du rassemblement islamophobe du 14 mai, une dizaine de personnes ont dû être hospitalisées à la suite du déchaînement de violence des bandes d’extrême droite. Le Collectif de vigilance contre l’extrême droite a recensé 230 jours d’ITT pour les victimes d’agressions d’extrême droite depuis un an. Le 15 janvier, un couple de sympathisants libertaires était attaqué à coups de batte de base-ball à Villeurbanne, à la sortie d’un concert de soutien à un centre social autogéré. Lui a dû rester près de quatre mois en fauteuil roulant, elle risque de garder des séquelles neurologiques à vie. Les quatre agresseurs présumés, en détention préventive, encourent vingt ans d’emprisonnement. Une autre militante antifasciste a été lacérée à coups de cutter, à deux doigts de la carotide. Loin de constituer une simple «guéguerre» entre extrême-droite et extrême-gauche, comme l’a longtemps sous-entendu le préfet du Rhône, cette violence prend pour cible un kebab du vieux Lyon comme un jeune "un peu punk", comme se définit lui-même Antoine (*). Roué de coups par une vingtaine d’assaillants, il s’en est sorti avec l’arcade sourcilière ouverte et la mâchoire déplacée.

Terreau historiquement fertile pour l’extrême droite dans ses diverses composantes – des royalistes catholiques intégristes aux skinheads néonazis en passant par les négationnistes de l’université Lyon-III –, la métropole lyonnaise connaît depuis environ deux ans un développement des groupuscules violents. "On estime le nombre de militants néofascistes à environ 200 à Lyon, soit au moins le double de ce qu’ils étaient il y a cinq ans", déclare Jean-Louis Touraine. Deux mouvements semblent notamment prendre de l’ampleur : la section lyonnaise des jeunesses identitaires, rebaptisée "Rebeyne"[2], et la branche lyonnaise du réseau néonazi Blood and Honour, plus connue sous le nom de Lyon dissident. Tous deux disposent de locaux avec pignon sur rue. Si un arrêté municipal vient juste d’ordonner la fermeture du Bunker Korps Lyon, de Lyon dissident, c’est… pour l’absence d’une porte coupe-feu. En organisant des concerts de RAC (rock anticommuniste, en réalité véhiculant des discours néonazis) et des retransmissions de matchs de foot, Lyon dissident attire à lui une partie des ultras du stade de Gerland. Une population que courtise également "Rebeyne" ; des relais des identitaires ont été identifiés dans le virage sud du stade. Depuis avril dernier, les identitaires font la promotion de leur local dans le vieux Lyon, la Traboule, où ils organisent des «activités culturelles», et surtout des entraînements de boxe-défense deux fois par semaine.

Si les identitaires tentent tant bien que mal de faire oublier leur passé sulfureux d’Unité radicale, les crânes rasés de Lyon dissident, quant à eux, cachent à peine leur amour immodéré des croix gammées. Le credo affiché de "Rebeyne", «0% racisme, 100% identité», leur permet de parer leur idéologie xénophobe d’atours culturalistes pour défendre une «Europe blanche» sans être passibles d’incitation à la haine raciale. Bien qu’un certain nombre d’agresseurs d’extrême droite semblent liés aux «identitaires» de Rebeyne – à l’instar des quatre accusés de l’attaque de Villeurbanne –, l’organisation cherche à tout prix à lisser son image pour sortir de son ghetto politique. Le Bloc identitaire fait la chasse aux signatures pour présenter un candidat à l’élection présidentielle. Et si, à l’échelle nationale, le combat semble loin d’être gagné, cette initiative pourrait n’être que la première étape de leur implantation dans la vie politique locale. «Les identitaires ont une vraie carte à jouer à Lyon», estime Julien (*), qui ne s’étonnerait pas de les voir passer des alliances avec le FN pour les prochaines élections municipales.

(*) Prénoms d’emprunt.


[1] Voir mon article :

14.05.2011 en direct de LYON : MANIF DES IDENTITAIRES …

[2] Sur cette usurpation d’identité, lire ma série d’articles sur « les Rebeynes, Lyon et son identité… » 19, 20 mai et 1ier juin 2011

Commentaires


Commentaires