(2°partie) Marine Le Pen ou l’extrême-droite toujours recommencée…

publié le 11 déc. 2011, 10:38 par Jean-Pierre Rissoan

Les vieilles recettes de Marine LePen : petite anthologie.

1.      La crise boulangiste.

Rochefort, patron de l'Intransigeant, passé à l’extrême-droite, soutient le général Boulanger et souhaite que "vingt ou trente mille Parisiens réclament la réinstallation du général, comme ils ont jadis réclamé celle de Necker".  

Le slogan des boulangistes était "Dissolution, révision, constituante", auberge espagnole où chacun amène ses espérances. L'appel à une nouvelle assemblée constituante est évidemment une référence à la grande Révolution, omniprésente en ces années où la victoire des Républicains est toute fraîche, encore contestée par les conservateurs, et où s'annonce le centenaire de 1789. Mais Boulanger est-il révolutionnaire ? Il est de ces démagogues qui émoustillent la foule en colère en lui parlant de la prise de la Bastille. La Bastille, en 1889, c'est le Parlement ! Ainsi, le journal boulangiste La Bombe (sic) dans son numéro du 14 juillet 1889, montre le brav'général guidant ses troupes à l'assaut d'un château-fort, à l'image de Bonaparte au pont d'Arcole, tenant en main droite le drapeau tricolore et l'index de la main gauche pointé en direction du château. Aux créneaux sont inscrits les mots "bastille parlementaire", et derrière, on voit des députés apeurés parmi lesquels on reconnaît J. Ferry avec ses favoris. Un canon, gravé des mots "suffrage universel", tire un boulet et en arrière-plan, le soleil se lève, annonçant la victoire aux élections générales prochaines.

Ainsi veut-on faire croire que les députés sont les nouveaux privilégiés, qu'il faut les renverser comme les grands aïeuls culbutèrent l'Aristocratie… Révolution contre un des principaux acquis de la Révolution : la démocratie représentative ! Installer à sa place le pouvoir personnel ! le dictateur Boulanger ! Mais on attaque une bastille, n'est-ce pas le principal ? Combien de fois, bernera-t-on les gens en empruntant le vocabulaire révolutionnaire pour leur faire croire à un ressourcement alors que c'est tout le contraire… Révolution nationale en 1940, Comité de salut public en 1958… Manipulations.

2.      Les années Trente

La Cagoule est une société secrète de patrons, menée par Deloncle, qui crée un paravent plus présentable : le CSAR. Comprendre le Comité secret d’action révolutionnaire. Le CSAR partira en guerre contre le parti communiste et contre le Front populaire. Mais en ces années de crise, le mot révolution est à la mode. C. Maurras a l’honnêteté de parler de contre-révolution et, en 1939, année du 150° anniversaire de 1789, il lance une souscription pour la contre-révolution. Seulement, cela n’est pas très porteur. Les nazis, en Allemagne, préfèrent utiliser le vocabulaire en vogue et Hitler dénomme son parti « parti ouvrier national-socialiste allemand ». En fait de socialisme, il fait le jeu des patrons dont on sait que la plupart d’entre eux furent sanctionnés en 1945 par les Alliés[1]. En France, Pétain même, lecteur quotidien de l’Action française, admirateur de C. Maurras, parlera de la "Révolution nationale".

3.      Sous Vichy.

Robert Brasillach, intellectuel éminent, collabo célèbre, se réclame du national-socialisme et dénonce le national-capitalisme qui est mis en œuvre selon lui à Vichy. Le 25 décembre 1943, dans Révolution Nationale, Il dénonce les adeptes du national-capitalisme (sic) qui sont les ploutocrates experts en bavardage : (…) aujourd'hui où ouvriers, fonctionnaires, artisans composent à coup sûr la classe déshéritée de la nation, devant le bloc heureux des riches bourgeois et des paysans, comment veut-on qu'on prête raisonnablement l'oreille à ceux qui défendent par la parole les situations acquises ? Ils peuvent employer tous les mots nouveaux, on sait très bien qu'ils ne sont que les adeptes de la seule vraie religion, du seul vrai parti, de la seule vraie politique : le capitalisme. "Nous qui sommes nationaux-socialistes... " disent-ils dans les thés du XVIe arrondissement, dans les ghettos d'Auteuil ou de Passy, et les belles dames à turban s'inclinent avec ravissement, chatouillées au bon endroit par un vocabulaire aussi hardi". On voit que, comme il le dit lui-même, Brasillach aimait bien "choquer les bourgeois"(sic) et dénonce même leurs ghettos.

Brasillach n’avait pas digéré le départ de Laval, le 13 décembre 1940. Il condamne le gouvernement de l’amiral Darlan, selon lui gouvernement de "synarques", de banquiers. « Les listes des hommes parfois éminents qui dirigent les affaires de l'économie nouvelle auraient fort bien pu composer, il y a cinq ans, les fameuses listes que l'on vendait aux sorties de métro, aux temps du Front populaire (les listes des "200 familles"). On ne voudrait pas que la nécessité actuelle ou future dérobât aux yeux la nécessité plus grande encore d'une réforme de structure. Et cette réforme de structure, qu’on le veuille ou non, ne sera pas une légitimation des grandes entreprises capitalistes, des trusts et des ententes industrielles, ne sera pas l'œuvre des "deux cents familles".

Voici un défenseur de l’ultra-capitalisme qui s’aventure à critiquer les "200 familles" comme au bon vieux temps du "Front popu". Mais cela fait peuple et vise à racoler les égarés de la gauche.

4.      La crise poujadiste.

Jean-Marie LePen, le père de madame, fut député poujadiste en 1956. A la mort de Pierre Poujade, le 27 août 2003, alors président du Front national, il fit la déclaration suivante : "avec lui disparaît une figure qui fut emblématique de la lutte des classes moyennes contre le bureaucratisme et le fiscalisme (…)". La lutte des classes moyennes… J.-M. Le Pen adore ce vocabulaire qui donne le frisson. Un jour, il lança "Nationaux de tous les pays, unissez-vous !". MLP, quant à elle, parla récemment de l’armée de réserve du capital…expression bien connu de ceux qui ont lu K. Marx. Mais comme disait C. Maurras, il faut se battre "par tous les moyens, même légaux !".

Revenons à Poujade.

Le leader des commerçants et artisans, qui soutint les guerres coloniales et l’Algérie française, antisémite, antiparlementariste, s’exprime ainsi (les mots en italiques sont de sa plume) : « la patrie est en danger, comme à toutes les heures graves de notre histoire, il faut réunir les Etats- généraux sous les auspices du Comité national de salut public et donner la parole au peuple par la rédaction de cahiers de doléances ». Plus grossier, on ne fait pas. Sauf aujourd’hui.

 

En conclusion, je rappelle un des mots-clés de JMLP : antifiscalisme. Ce fut le sens de toute sa politique : les riches paient trop d’impôts. Et cette ligne politique lui a valu de gros succès dans les banlieues huppées ou les arrondissements et quartiers de vieilles bourgeoisies. MLP aujourd’hui défend bec et ongles le AAA des agences de notation, elle aussi défend la rente. Qu’est-ce que le peuple peut bien attendre de cette supercherie ? Mais le FN a bien observé que certains thèmes étaient, hélas, très porteurs et la démagogie coule à flots.

RÉSISTONS ! 


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Marine LePen ou l'extrême-droite toujours recommencée...

 



[1] Pour être libérés peu de temps après pour cause de Guerre froide, l’ennemi n°1 devenant l’URSS.

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