Laurent Wauquiez court après
l’extrême-droite comme l’âne après la carotte. La rattrapera-t-il jamais ? Le
journal lyonnais et rhône-alpin "LE PROGRÈS" nous annonce crûment que
la Région Auvergne-Rhône-Alpes est "La
Région du courage" dont la ligne de conduite est d’ "affirmer
la préférence régionale pour nos entreprises"[1].
Chacun entend bien la parenté sonore avec
la préférence nationale prônée par le
FN. Les Français ne sont pas totalement idiots. Ils ont davantage la mémoire
courte. En tout cas, Wauquiez fait comme si…
Lors des élections générales de 1936, un
membre éminent de la droite Fédération
républicaine Édouard Frédéric-Dupont faisait encore mieux dans l'odieux.
L'étranger, c'est le gars des autres provinces. "Une politique du
travail doit protéger la main-d'œuvre française, organiser l'orientation
professionnelle vers les emplois tenus par les étrangers et refouler
progressivement ceux-ci". Jusque-là rien de bien nouveau, mais
"il faut ouvrir des chantiers
suivant un programme qui réserverait aux ouvriers et artisans parisiens
l'exécution de travaux d'hygiène dans la capitale" ! Quand on
songe qu'il proposa une réforme administrative basée sur le régionalisme, on
mesure l'ampleur du caractère réactionnaire de sa doctrine.
C'est le retour aux
Provinces de l'Ancien régime, chères au vicomte de Bonald, le retour des
barrières d'octroi, les douanes aux portes de Paris : "tu es de province ? On ne passe pas !".
Le régime de Vichy entreprendra une réforme régionale, comme le souhaitait
Frédéric-Dupont, de même qu'il réalisera d'autres de ses vœux : dissoudre le
syndicat des instituteurs (sic), réformer les écoles normales, dissoudre
la franc-maçonnerie, mettre au pas les comités (du parti radical) : autant
de choses écrites noir sur blanc dans sa profession de foi de 1936 que le
maréchal appliquera à la lettre après la divine surprise.
Wauquiez bascule dans le régionalisme, le
provincialisme de notre vieille droite extrême traditionaliste. Encore heureux,
pour lui, que l’Auvergne vienne d’être rattachée à la dynamique région
Rhône-Alpes, sinon la Haute-Loire aurait vu s’échapper toutes les commandes
venues de la métropole lyonnaise. Parions, à coup sûr, qu’il a attendu ce
rattachement pour faire une proposition aussi osée.
Qu’était
donc la Fédération républicaine ?
Évoquant la Fédération républicaine, André Siegfried écrit : "deux
causes décisives décalent vers la droite son centre de gravité : en matière
religieuse la tradition laïque lui fait entièrement défaut, et en matière
sociale elle représente l'ordre s'exprimant par la hiérarchie. est en un mot un
parti de défense sociale, où le grand patron (parfois presque féodal) coudoie
le bourgeois catholique (disons clérical), et où le libéral républicain égaré
ne reconnaîtrait plus rien de la tradition républicaine. On discerne enfin dans
ce conglomérat un noyau nationaliste résistant, qui nous a paru constituer le
pôle de réaction le plus caractérisé contre la politique d'entente
internationale. Dans cette matière hétérogène, une réaction chimique ferait
apparaître au moins trois couleurs, la couleur de la féodalité industrielle,
celle du nationalisme intransigeant et celle de la défense sociale catholique.
(…) Par sa tonalité générale, cette partie de la Chambre évoque le souvenir
lointain de l'Assemblée nationale (celle de 1871 et de l'Ordre moral, JPR)
encore que le libéralisme –type XIX° siècle- du Septennat ignorât certaine
influence subtile d'Action française que nous croyons pouvoir respirer ici dans
l'atmosphère ambiante"[2].
Tout cela transparaît dans les
déclarations de cet éminent représentant de cette tendance politique : Édouard
Frédéric-Dupont, avocat d'affaires, émeutier du 6 février 1934, élu en 1936 contre
le Front Populaire, qui fera liste commune en 1986 avec Jean-Marie Le Pen. J'évoquerai aussi les propos de son compère Taittinger, autre célèbre émeutier et créateur de ligue fasciste.
En politique étrangère, Frédéric-Dupont ne
veut pas que la France devienne la colonie d'Hitler mais outre son rejet
de la S.D.N., il voit dans l'amitié anglaise une ironie et dans le pacte
franco-soviétique une duperie. Curieuse préparation diplomatique pour
contrer l'hégémonie allemande… Pour cet homme, l'alliance avec Mussolini
était la panacée !
Pour l'Empire : il est résolument du parti
colonial. Un des principaux remèdes à la crise dont nous souffrons est
que nos colonies offrent des débouchés de plus en plus grands à la
production métropolitaine analyse
la Fédération Républicaine. Gare alors, fait écho
Frédéric-Dupont, à la propagande communiste qui dresse les indigènes contre
la France et prépare actuellement des révoltes meurtrières ! Cet homme
annonce déjà les conflits coloniaux de la IV° république…
La base sociale de la Fédération
républicaine[3]
: "commerçants, artisans, industriels, professions libérales, si
durement éprouvés par la crise (Taittinger dixit). Pour Frédéric-Dupont qui
se présente comme Président du Groupe de défense des artisans de
Paris, notre politique économique et financière doit protéger les classes
moyennes et la famille, (…), protection du petit commerce par la suppression
radicale et immédiate de tous les prix uniques (cela annonce Poujade…),
défense de l'épargne pour aider les rentiers spoliés par l’État.
La lutte contre le chômage. Ces leaders
proposent des moyens expéditifs. En ce qui concerne la protection de la
main-d'œuvre française, j'ai cru être en communauté d'esprit avec vous en
proclamant la nécessité de donner un droit de priorité aux travailleurs français.
Préférence nationale donc. Bien avant Le Pen, qui ne fait que plagier. Je
rappelle simplement que la France, affaiblie par 1,5 million de morts et
presque autant de blessés et handicapés, a accueilli ces travailleurs étrangers
pour reconstruire ses destructions de guerre, pour soutenir le rythme imposé
par la prospérité mondiale des années 20 et, une fois que la crise est venue,
on renvoie ces travailleurs sans autre forme de procès. C'est immoral.
Frédéric-Dupont annonça le pire. Il
pensait dur comme fer que "les capitaux se cachent, (…), que le pays
prendra peur s'il craint la révolution, l'abolition de la propriété (…), il
faut donc inspirer confiance à ceux qui veulent entreprendre". Et
il écrit tout net : "la prospérité reviendra dans la mesure où le Front
populaire sera battu". Or, il ne le sera pas. Les capitaux
resteront donc cachés, ce sera, pour reprendre la formulation d'un des
historiens de cette période : "La trahison des possédants"[4].
J'arrête là l'analyse de ces professions
de foi. On a saisi à quel point, la Fédération républicaine, comme
l'écrivit René Rémond, "a graduellement repris à son compte l'héritage du traditionalisme…" Comment
s'étonner dès lors, qu'elle fournira l'essentiel des hommes du régime de Vichy?[5] Taittinger et
Frédéric-Dupont voteront les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, ils seront tous
deux membres de l'ordre de la Francisque, Frédéric-Dupont restera membre du
Conseil de Paris jusqu'en 1943, Taittinger sera Président de ce même conseil de
1943 à 1944…
[1] LE PROGRÈS-dimanche du 19 novembre 2017.
[2]
André Siegfried, "Tableau des partis en France", 1930, cité par R. REMOND,
"Les droites en France".
[3]
Il manque la paysannerie.
Mais Taittinger et Frédéric-Dupont sont candidats à Paris. Frédéric-Dupont va
néanmoins y faire allusion.
[4] René GIRAULT, "La trahison des
possédants", L’HISTOIRE, n°58, année 1983, pp. 85-93.
[5]
Mais, comme toujours, les
choses sont plus compliquées. Le président de la Fédération républicaine,
Louis Marin, patriote intransigeant, n'était pas hostile en 1939 à un front
commun de "Marin à Thorez". Il rejoindra la France libre à Londres. C'est
l'une des raisons pour lesquelles, De Gaulle, afin d'asseoir sa légitimité,
acceptera la présence de ce parti dans le Conseil national de la résistance,
démontrant par-là, la parfaite représentativité de cet organisme.