« Les quelques jours d'intense lobbying sur le web des "Pigeons", un groupe anonyme de patrons de l'Internet et de la communication relayé médiatiquement par l'UMP, le Medef et la CGPME, a fait plier le gouvernement. Ce dernier a annoncé ce jeudi matin faire marche arrière sur la fiscalité des créateurs d'entreprise ». lire la suite sur http://www.humanite.fr/social-eco/fiscalite-le-gouvernement-pigeonne-par-lump-et-le-medef-505552 . De cette suite, j’extrais cependant ceci : Des relais massifs : Dans les premiers temps, outre les appels lancés par les "Pigeons", le témoignage d'Olivier Bernasson et son "appel à mon député" est rapidement mis en avant. Pratique, puisque ce fondateur de pecheur.com se présente comme électeur de François Hollande à la présidentielle. La volière du groupe de pression grossit prestement en nombre de "suiveurs", grâce au "likes" et autres "retweets" d'un mixte de patrons-militants UMP (comme celui-ci ou celle-ci) et d'entrepreneurs du web alarmés par les arguments brandis. Jusque-là silencieuse sur le projet de loi de finances 2013 du gouvernement, la CGPME mobilise soudainement ses adhérents lundi, via un communiqué publié au nom aussi évocateur que soufflé de l'extérieur: "Les patrons ne sont pas des pigeons". Les ténors de l'UMP embraillent dans les médias, François Fillon reprenant par exemple à son compte le terme de "pigeon" mercredi sur France Inter. De son côté, Laurence Parisot se laisse aller à une outrance, parlant de "racisme" anti-entrepreneurs. Ne manquait plus qu'un sondage sorti au bon moment – 54% des Français jugent inéquitables les 37 milliards d'effort budgétaire, selon un sondage BVA ce jeudi – et le tour est joué. Fin de citation.
J’ajoute que le monolithe médiatique -dont j’ai parlé ailleurs sur ce site - a encore frappé : tous les journaux à la solde du capital -langue de bois bien utile quand elle est encore justifiée- en ont rajouté une couche épaisse et lourde : Les échos, le Figaro, Le Progrès, … Résultat des courses : le gouvernement social-libéral capitule. Quant on les attaque les pauvres ne disent rien. Ils subissent[1]. Se dégoûtent de la politique et, pire, votent LePen. Les riches, eux, ont une capacité de réaction étonnante. Ils ont tous les pouvoirs, financiers, culturels, médiatiques. C’est d’autant plus écœurant que l’INSEE, administration publique tenue à ses devoirs républicains[2], vient de nous dire - il y a quinze jours - que, au terme de l’année 2010, dernière année statistique connue, les riches étaient plus riches qu’en 2009 et les pauvres plus pauvres qu’en 2009. Il est évident - la politique Sarkozy s’aggravant en 2011, que l’on apprendra officiellement, qu’au terme de l’année 2011, les riches étaient plus riches qu’en 2010 et les pauvres encore plus pauvres. Les vrais pigeons s’écrasent mais les faux pigeons qui sont des vautours carnassiers s’excitent et s’agitent dans un bruit de plumes mortifère. Leurs déjections viennent surélever le mur d’argent.
Depuis quand les socialistes ont-ils peur du "mur d’argent" ? 1924-1926 : le "mur d'argent"...Depuis l’échec de l’expérience du Cartel des Gauches en 1924-1926. La figure de proue du Cartel fut le président radical Edouard Herriot à qui l’on doit la création de la formule. A partir du moment où l’on inscrit tout changement dans le cadre du fonctionnement du système économique capitaliste, les socialistes au gouvernement ne veulent pas dérégler le système et provoquer une grève des patrons, une grève des possédants, ne veulent pas voir se dresser devant eux le mur d’argent, comme en 1926. C’est le chancelier allemand Helmut Schmidt qui, selon moi, a donné la meilleure définition de la social-démocratie : "les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain". Donc pour créer des emplois…. Les profits des entreprises d’abord ! Et
les sociaux-démocrates allemands sont devenus parmi les meilleurs amis des
patrons : c’est ainsi que fut surnommé le chancelier Schroeder. En France,
les socialistes sont plus discrets de ce point de vue parce que l’existence d’un
puissant parti communiste leur imposait une sorte d’obligation de réserve. Mais
depuis les années Mitterrand et Delors, les amitiés entre socialistes et
patrons ne se comptent plus. lire à ce sujet : François Hollande : sa pesanteur sociologique... L’actualité a montré comment et combien les dirigeants socialistes européens étaient de fidèles exécutants des exigences du patronat de la finance. Et le gouvernement Ayrault est à cet égard plein de bonnes volontés. Voici ce que dit le président du groupe des députés socialistes : "En matière de redressement de nos finances publiques, le traité (TSCG, JPR) ne nous contraint à aucun effort supplémentaire par rapport au choix annoncé durant la campagne présidentielle. Il ne contient aucune règle d'or, aucun transfert de souveraineté. Le redressement dans la justice des comptes publics constitue un objectif d'abord national pour reconquérir des marges de manœuvre, sans faire porter sur les générations futures le fardeau de l'explosion de la dette. Maîtriser nos comptes publics, c'est d'abord un enjeu de souveraineté nationale: nous ne devons pas dépendre des marchés financiers"[3]. J’ai surligné les mots qui me semblent exprimer un syndrome « pont de la rivière Kwaï », ce film où les Japonais veulent faire construire par leurs prisonniers anglais un pont stratégique. Ces derniers refusent et déclarent qu’ils ne construiront ce pont que si ce sont eux et seulement eux qui ont la maitrise d’œuvre. Et c’est ainsi que les Anglais construisirent un pont magnifique pour leurs ennemis japonais. Bruno Le Roux nous indique que ce sont les socialistes français, au gouvernement, qui seuls, appliqueront la politique d’austérité que demande la finance. Pas besoin du traité TSCG pour cela ! on est assez grands !
Assez grands aussi pour accepter les fientes des "pigeons".
[1] Sauf ceux, de plus en plus nombreux, qui viennent rejoindre le Front de Gauche … ! [2] Et donc à ce titre, tenue à dire le vrai, sans manipulation. [3] Bruno Le Roux, entretien accordé au journal L’Humanité du 3 octobre 2012. |
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