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La lutte des classes de retour dans le débat (janvier 2013)

publié le 9 janv. 2013, 00:52 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 9 janv. 2013, 00:53 ]

"Le regain de conscience de classes s’ancre dans ce sentiment d’injustice. «Eux», les riches, sont toujours épargnés, alors que les peuples, les salariés, qui ne sont en rien responsables de la crise économique, doivent payer les pots cassés et se voient décrocher", estime Paule Masson dans l'édito de l'Humanité de ce mercredi 9 janvier que je publie dans son intégralité. Marx est mort ? mon œil !

Le sondage que nous publions (nous = l’Humanité, JPR) jette un sacré pavé dans la mare. 64% des Français estiment que la lutte des classes est une réalité aujourd’hui, soit près de 25% de plus qu’en… 1964 ! On a tellement glosé sur la disparition de la classe ouvrière ; tellement caché combien la précarisation du travail a aggravé la dépendance des salariés vis-à-vis des employeurs ; tellement traité de ringards celles et ceux qui n’ont cessé de dénoncer l’énorme captation de richesses opérée par les propriétaires de capitaux sur les travailleurs… que le résultat de ce sondage peut surprendre jusqu’aux militants les plus aguerris.

Ils seront pourtant heureux de constater que l’opinion publique se range du côté des résistants qui continuent de dire et de lire la politique à partir et à travers la lutte des classes. Karl Marx disait que «l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de luttes de classes». Le siècle a changé, l’économie s’est mondialisée, complexifiée, mais aujourd’hui, plus encore depuis l’éclosion de la crise de 2008, il existe bien des classes sociales dont les intérêts sont antagonistes. N’en déplaise à Jérôme Cahuzac, ministre délégué au Budget, qui a avoué tout de go face à Jean-Luc Mélenchon lundi soir, n’y avoir «jamais cru». Retrouver cette grille de lecture permettrait pourtant de battre en brèche bien des idées reçues, à commencer par celle qui consiste à croire que la France a un problème de coût du travail alors que le plus gros manque à gagner financier provient du coût exorbitant du capital.

Les premiers à prouver que la lutte des classes est pleinement d’actualité, ce sont les riches eux-mêmes. Une fois n’est pas coutume, rendons-leur hommage ! À force de défendre leurs privilèges en toutes circonstances, et ce en dépit de l’explosion des inégalités sociales qui creusent le lit de la pauvreté, les capitalistes prennent le risque de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Parmi eux, en digne représentant des milliardaires décomplexés, l’Américain Warren Buffett a avoué, il y a quelque temps déjà : «Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner». Laurence Parisot y croit dur comme fer. Dans l’affrontement social, elle cogne dur. Plutôt que d’en rabattre avec la crise, le patronat en rajoute et veut écrire sa «fin de l’histoire». Alors que la financiarisation de l’économie a provoqué une des pires crises de l’histoire, les responsables de ce chaos économique sont en train de devenir les hyper-riches du monde contemporain. Selon le dernier indice des milliardaires compilé par Bloomberg, 2012 a été une année très faste. Les 100 plus grosses fortunes mondiales ont augmenté leur patrimoine de 241 milliards de dollars.

Le regain de conscience de classes s’ancre dans ce sentiment d’injustice. «Eux», les riches, sont toujours épargnés, alors que les peuples, les salariés, qui ne sont en rien responsables de la crise économique, doivent payer les pots cassés et se voient décrocher. Ce sentiment fut aussi un des marqueurs de l’élection présidentielle. La gauche a été élue sur la promesse du redressement dans la justice. Mais que vaut cette idée si elle est pensée en dehors de l’affrontement de classes ?

Paule Masson

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