Routes de la soie du XXI° siècle, Chine - Europe.

publié le 13 juin 2019, 07:12 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 9 sept. 2019, 02:58 ]
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Routes de la soie du XXI° siècle, Chine - Europe.

publié le 20 déc. 2014 à 16:42 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 7 juin 2019 à 19:32 ]

    Les potentiels de l'Europe et de la Chine, quoiqu'éloignés l'un de l’autre sont tellement puissants qu'ils suscitent le création de voies de passage nouvelles. Après la route maritime du nord-est, voici les nouvelles routes de la soie. Lire l'article que je publie à la fin de "Routes de la soie" : La route maritime du nord-est, Chine - Europe via l'Océan arctique  Notons que se dresse face aux initiatives chinoises les Asia-Africa Growth Corridor conçus par le duo Inde-Japon...    l'Asia-Africa Growth Corridor contrecarre les routes de la soie
    J.-P.R.

La Chine sur la route des caravanes du XXIe siècle


    Jérôme Skalski
    Vendredi, 19 Décembre, 2014
    L'Humanité
    
    Avec son projet des Nouvelles Routes de la soie, 
« une ceinture et une route », la République populaire 
de Chine engage, sous la direction de son nouveau président Xi Jinping, la création d’un corridor commercial continental appelé à bouleverser 
l’espace eurasiatique.

NB. le port de départ de la nouvelle voie ferroviaire est Hangzhou (au sud de ChanghaÏ)
       
    L’ouverture en début de semaine d’une exposition sur l’ancienne route de la soie maritime organisée au siège de l’ ONU à New York ainsi que les déclarations du président chinois Xi Jinping à la veille du sommet annuel de l’ APEC, forum économique intergouvernemental rassemblant 21 États de la zone pacifique, ont été l’occasion de faire le point sur un projet qui marque, outre la résurrection d’un passé entouré de légendes, le tracé d’une nouvelle connexion entre la Chine et l’Europe appelée à bouleverser les échanges internationaux. Le 8 novembre ­dernier, le chef de l’État de la République populaire de Chine a annoncé la création d’un fonds de la route de la soie de 40 milliards de dollars. Ce fonds vient s’ajouter aux 50 milliards de dollars que la Chine a récemment promis d’apporter à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB) créée en octobre 2014 et regroupant 22 pays asiatiques. Référence au passé, c’est en ­mémoire des routes commerciales qui reliaient la Chine à l’Europe que le projet des nouvelles routes de la soie a été baptisé. Développées à partir du début de la ­dynastie Han, à l’époque de la première expansion de l’Empire romain en Méditerranée, les routes de la soie ont relié l’Orient à ­l’Occident pendant plus de mille cinq cents ans. Côté terrestre, en traversant l’Asie depuis l’actuelle Xi’an jusqu’à Rome dans l’Antiquité, jusqu’à Venise au Moyen Âge. Côté maritime, depuis ­Quanzhou en passant par les ports de la péninsule indochinoise, de ­l’Indonésie et de l’Inde. Ce sont par ces routes que sont venues en Europe, par l’intermédiaire du monde musulman, les inventions qui témoignent, dans notre vie quotidienne, de la ­présence de la Chine. C’est par l’un de ses fils continental que Marco Polo fut envoyé en délégation par les papes Clément IV et Grégoire X auprès de Kubilai Khan au XIIIe siècle, voyage et mission ­auprès du fondateur de la dynastie Yuan qu’il relatera dans son ­Devisement du monde, ouvrage tout d’abord rédigé dans la langue de Chrétien de Troyes. « L’exposition d’aujourd’hui ­rappelle de vieux souvenirs : les cloches à chameaux ­bravant les déserts, les navires en rang dans les ports, les émissaires ­échangeant des plaisanteries et les marchands étrangers se côtoyant dans les rues », a expliqué Liu Jieyi, représentant permanent de la Chine aux Nations unies, lors de son intervention à la cérémonie d’ouverture de l’exposition onusienne, ainsi que le rapporte l’édition française du Quotidien du peuple. « Aujourd’hui, cette exposition photographique illustre comment la nation chinoise a interagi pacifiquement avec d’autres nations par le passé et comment la philosophie de la paix et de la prospérité commune a étayé et continuera de guider la diplomatie actuelle de la Chine », a-t-il précisé avec, à l’esprit, le projet des Nouvelles Routes de la soie.
    
    Première chaîne de ces routes enveloppées par une ceinture d’États engagés dans un processus de coopération, le réseau ferroviaire Yuxinou reliant Chongqing à Duisburg et, par ces villes, ­Rotterdam à Shanghai. Cette voie de 11 200 km passe par Berlin, Moscou et Lódz, traverse le ­Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne et ­l’Allemagne en une quinzaine de jours, soit vingt de moins que ceux nécessaires actuellement sur la route maritime passant par le détroit de Malacca et le canal de Suez. Le projet présenté prévoit de doubler cette chaîne par un axe autoroutier transitant par Urumqi, la capitale de la Région autonome ouïghoure du Xinjiang. Il traverserait le ­Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Iran et la Turquie. Petits fils de soie sur la bordure de cette trame, un réseau de liaisons ferroviaires reliant la capitale de la province du Yunnan au Laos, au Cambodge, au Myanmar (Birmanie), au Vietnam et au Bangladesh.

    Côté maritime, en observant la carte officielle des nouvelles routes de la soie, on ne peut qu’être frappé par la mise à l’écart de la France dans le projet officiel. La voie maritime de la route de la soie traditionnelle n’esquivait pas Marseille et remontait le Rhône et la Saône. Elle ne traversait les Alpes à partir du seul port de Venise, aujourd’hui Marghera. Son chemin terrestre aboutissait, au Moyen Âge, aux grandes foires de Champagne plutôt qu’en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Malgré les efforts de la Chine, et contrairement à celle de l’Allemagne, il est vrai que la diplomatie économique française a quelque chose des « neiges d’antan » dans les salons gouvernementaux et patronaux obsédés par la financiarisation de l’économie française plus que par son développement réel depuis quelques décennies. Aspect sans doute moins littéraire de la question, l’alignement pro-américain des États ­occidentaux et de la France en particulier, en relation avec les projets de blocs transatlantique et transpacifique portés par l’administration Obama. Autre fait étonnant, malgré ses 500 000 citoyens vivant dans la région pacifique et ses 11 millions de kilomètres carrés de territoire maritime, la France n’est pas membre de l’APEC.

 
le point de vue d'une journaliste chinoise

  
    À l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises, plus de 800 cérémonies se sont déroulées dans les deux pays. C’est avec grand enthousiasme et un dynamisme sans précédent que la France et la Chine développent leurs coopérations dans presque tous les domaines. Une année non seulement pour retracer l’histoire d’un demi-siècle, mais aussi pour éclairer l’avenir des relations entre les deux peuples. En 2013, le ­président chinois Xi Jinping a proposé de construire ensemble « une ceinture et une route », c’est-à-dire la ceinture économique des nouvelles routes de la soie du XXIe siècle, qui fournissent un nouveau levier pour renforcer les échanges déjà riches entre la France et la Chine. Cette année, Lyon, par exemple, a gagné en popularité en Chine. Cette ville était une des stations principale sur la Route de la soie. Depuis la Renaissance, Lyon a joué un rôle pionnier dans la diffusion de la culture chinoise en Europe et a gardé un lien unique et fort jusqu’aujourd’hui dans tous les domaines. Au XIXe siècle, les activités commerciales franco-chinoises étaient décisives pour l’industrie de la soie en France et tout particulièrement à Lyon. Aujourd’hui, « une ceinture et une route » fondées sur l’histoire unique franco-chinoise ouvrira sûrement une nouvelle page des relations bilatérales. La Route de la soie est bidirective. La Chine promeut ses marchandises, sa culture, ses idées à travers cette route. L’Occident, en revanche, pourra connaître une vraie Chine. La Route de la soie, sans doute, était, est et sera une « autoroute » reliant l’Orient et l’Occident qui rapproche les deux peuples et leur permettra de mieux se comprendre. Montagnes et océans n’éloignent pas les amis aux idées communes. La circulation des capitaux chinois et des techniques françaises, les coopérations complémentaires et réciproques, et la volonté d’explorer des marchés tiers s’accéléreront en construisant « une ceinture et une route ». Ce projet sera également bénéfique au mécanisme d’échanges humains de haut niveau entre la France et la Chine. En ouvrant sa porte par « une ceinture et une route », nouveau point de départ historique, la Chine peut mieux communiquer avec le monde. C’est une ­opportunité pour tous.

Xue Xing Correspondante du Quotidien du peuple en France

le point de vue d'un universitaire bordelais

    La question de l’ouverture des Nouvelles Routes de la soie était déjà sur la table dans les années 1990. Aujourd’hui, il y a plusieurs enjeux derrière ce projet au-delà de la référence historique. D’abord, il s’agit pour la Chine de contrer le projet d’accord de libre-échange transpacifique des États-Unis visant à intégrer les marchés asiatiques et à contrebalancer la montée en puissance de la Chine dans la région. Avec ses alliances actuelles, sa fameuse septième flotte qui navigue dans le Pacifique, ses bases militaires, les États-Unis mettent une pression permanente sur la Chine. Dans cette situation, elle tente donc de développer une alternative. Ce qui ne veut pas dire ­cependant qu’elle a renoncé à renforcer ses liens avec l’Asie du Sud-Est. Le deuxième point concerne Xi Jinping, le nouveau président chinois. Xi Jinping, à la différence de ses prédécesseurs, est originaire de la Chine intérieure, et plus précisément de Xi’An, l’aboutissement de l’ancienne Route de la soie. Pour lui, il s’agit de rattraper le retard des régions intérieures sur les ­régions côtières. C’est un enjeu essentiel actuellement en Chine. Essayer de limiter le creusement des inégalités entre classes sociales et entre la Chine de l’Est et de l’Ouest riche en ressources naturelles, mais en retard sur le plan économique. 
Le projet des Nouvelles Routes de la soie s’inscrit dans cette perspective qui vise à dynamiser économiquement l’ouest du pays en en faisant une nouvelle interface à la fois dans le domaine du transport et dans le domaine des infrastructures énergétiques. Il faut prendre en considération le fait que plus de 80 % du ­commerce de la Chine, mais aussi de ses importations énergétiques passe par le détroit de Malacca, détroit sous le contrôle américain ou sous le contrôle d’États alliés des États-Unis. C’est le troisième aspect de la stratégie des Nouvelles Routes de la soie : la sécurisation des approvisionnements énergétiques. Il s’agit pour la Chine de trouver des sources d’approvisionnement et des voies d’exportation qui ne dépendent pas des États-Unis, la Russie, mais aussi l’Asie centrale, le ­Kazakhstan pour le pétrole et le Turkménistan pour le gaz naturel.

Rémi Castets Enseignant à l'Université Bordeaux-III, rattaché à l'Institut d'études orientales

 


bibliographie : se procurer "Atlas des nouvelles routes" édité par LE COURRIER INTERNATIONAL, Hors-série septembre-octobre 2018.

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