A propos du Qatar, une mise au point bien utile...

publié le 12 nov. 2012, 05:55 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 8 janv. 2015, 07:24 ]

    Je publie des extraits de l’entretien que le journal L’Humanité a eu avec Ardavan Amir-Aslani, avocat au barreau de Paris, (notice biographique à la fin des extraits) et publié ce vendredi 9 novembre. Si l’auteur me semble bien pessimisme sur l’évolution des « révolutions arabes », ses propos sur le Qatar et ses manigances en Palestine semblent particulièrement affutés.

    J.-P. R.

 

    On assiste à l’irruption du Qatar sur la scène internationale prenant même le pas sur l'Arabie saoudite. Quelles sont les visées du Qatar?

    Ardavan Amir-Aslani : Le Qatar a obtenu son indépendance en 1971. Mais c'est un pays riche parce qu'il est assis sur un méga-gisement gazier qui ne lui appartient pas en totalité. 50 % appartiennent à l’Iran qui, du fait des embargos, n'arrive pas à l'exploiter. Dans la péninsule Arabique, vous avez deux pays (Qatar et Arabie saoudite) qui appartiennent à la tradition islamique la plus radicale : celle des wahhabites. Les autres pays du Golfe appartiennent à d'autres écoles sunnites de droit, plus modérées. Ces deux pays défendent une vision de l'islam qui est la plus orthodoxe, la plus radicale possible. Le Qatar considère qu'il doit faire face à deux dangers : l'Iran chiite qui défend une thèse religieuse hostile à celle défendue par l'islam fondamentaliste salafiste qatari ; l'Arabie saoudite qui en veut au Qatar parce qu'elle perd son monopole de l'islam fondamentaliste et sa légitimité. D'ailleurs, la plus grande hase aérienne américaine au Moyen-Orient se situe au Qatar et ne vise pas à protéger ce pays d'une invasion iranienne mais d'une irruption militaire saoudienne ! Le Qatar est dépourvu de toute forme de démocratie et défend des valeurs contraires aux valeurs laïques et séculières mais essaie de propager sa vision dans le monde. Il y a deux semaines, l'émir du Qatar a rendu visite au Hamas dans la bande de Gaza, en déclinant l'invitation de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, de se rendre à Ramallah, consacrant de fait la souveraineté de Gaza dirigé par les Frères musulmans.

 

    Les représentants de l'Islam politique sont-ils devenus des interlocuteurs valables, voire privilégiés des Occidentaux? La visite de l'émir du Qatar à Gaza ne s'inscrit-elle pas dans cette optique ?

    Ardavan Amir-Aslani : La visite de l'émir du Qatar à Gaza n'était pas une visite humanitaire. C'était une visite qui, de facto, acte internationalement la scission du peuple palestinien. D'un côté, les islamistes à Gaza, de l'autre le pouvoir séculier de Mahmoud Abbas, amoindri et affaibli en Cisjordanie. Le monde occidental regarde avec crainte ce qui se passe en ce moment dans le monde arabe. Ce qu'on a appelé les printemps arabes - pour la construction d'un État de droit, pour la démocratie participative...- a été détourné par les islamistes qui étaient les mieux organisés et qui disposaient de sources de financement non négligeables. Les Occidentaux composent maintenant avec ces pouvoirs. Le monde arabe est en train de régresser, pas d'avancer. La tragédie de l’islam est qu'il a eu sa renaissance avant de connaître son Moyen Age. il connaît aujourd'hui son Moyen Age.

 

L’Auteur : Ardavan Amir-Aslani  (notice de l'Humanité)

Avocat au barreau de Paris, Ardavan Amir-Aslani  est spécialiste de droit public international, conseil auprès des États en investissements étrangers et finance islamique, expert en réflexion stratégique. Il a été nommé à l'institut des hautes études de défense nationale en juin 2000. Il est président de la chambre de commerce France-Azerbaïdjan et fondateur de l’Association des orientalistes de France. Ce juriste d’origine iranienne est également professeur de géopolitique au sein de L’École des hautes études commerciales (HEC) de Paris, il est l'auteur de plusieurs ouvrages portant sur les relations Internationales. Dernier en date : « la Guerre des dieux; géopolitique de la spiritualité » (Éditions Nouveau Monde, 2011) où il s'interroge sur l'avenir des printemps arabes. Comme on (l’a vu) dans l'entretien ci-dessus, Ardavan Amir-Aslani considère que de nombreux conflits doivent être abordés à l'aune du fait religieux. Il avait auparavant publié « Iran: le retour de la Perse » (Picollec, 2009), où il soutenait l’idée de la nécessité d'un Iran fort, puissance régionale stabilisatrice, pays où, selon lui, paradoxalement, une séparation du religieux et du politique serait en train de s'opérer.

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