25/01/2011 La crise n’épargne personne mais il est parfois possible de trouver des responsables bien définis. Ainsi en est-il du comportement de l’Europe (l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! sautait le général De Gaulle dans une conférence de presse demeurée célèbre) à l’égard de la Côte d’Ivoire premier producteur mondial de cacao dont l’U.E. est le premier client. On fabrique le chocolat avec du cacao mais également avec une matière grasse qui n‘est rien d’autre que le beurre de cacao tiré des fèves. Malheureusement, les pays britanniques et scandinaves ont mis en avant d’autres matières grasses, végétales - d’où MGV- non issues des fèves des cabosses. Et le Parlement européen a voté le 15 mars 2000 une directive qui autorise l’emploi de ces autres MGV pour la fabrication du chocolat. Autrement dit, l’industrie chocolatière européenne achètera moins de cacao et utilisera plus de « graisses hémisynthétiques bon marché »[1]. Pour la Côte d’Ivoire le compte fut vite fait : c’est une perte de 1,5 à 2 milliards de Francs (valeur avril 2000), chute grave de recettes dans un pays où, avec les industries et services associés, la moitié de la population vit de la culture cacaoyère. Mais depuis quand l’Europe a-t-elle vocation à s’occuper des pays pauvres ? Henri Chaveron a apparemment bien suivi ce "combat" qui a opposé durant des années, d’une part la Côte d’Ivoire, la France, la Belgique -où l’on sait ce qu’est le bon chocolat- et les consommateurs les plus avisés et d’autre part, les fabricants de MGV non tropicales, les pays du Nord de l’Europe et…la Commission européenne. « L'action de la Commission européenne, dans ce domaine » nous dit Chaveron « a été caractérisée par une intransigeance marquée et le souci de l'harmonisation à tout prix. Dès l'origine, elle était favorable à l'utilisation de l'ensemble des MGV sans restriction. Elle le restera d'une façon inébranlable, influencée par des groupes de pression et exagérément guidée par des considérations purement économiques. Elle privilégia les intérêts des fabricants de corps gras et ceux des grands groupes chocolatiers. Elle négligea les risques toxico-nutritionnels que peuvent présenter certaines graisses, dédaigna les réactions des « traditionalistes »[2] et des consommateurs, mésestima les difficultés des producteurs de cacao. Finalement elle orienta le vote des parlementaires ». Par ailleurs, le gouvernement ivoirien, qui n’a aucune emprise sur les cours mondiaux de cette matière première vitale pour son pays, s’est vu contraint d’accepter en 1999, « une libéralisation au pas de charge, sur la demande de la Banque Mondiale ». Commission européenne, Banque Mondiale : on voit les rets qui enserrent ces pays appelés naguère « du Tiers Monde ».
Je n’en dis pas plus puisque tout est dit[3]. Je ne dis pas que toutes les difficultés de la Côte d’Ivoire viennent de là. Mais ce fut certainement décisif. L’Europe n’a pas contribué à la stabilité politique de ce pays. On comprend mieux que "l’Occident" soutienne le candidat élu - dans des conditions discutées - qui est présenté comme l’homme "des organisations internationales". Après ce coup de barre, une barre et ça repart !
[1] Jargon que j’emprunte au spécialiste Henri Chaveron, professeur en génie biologique et végétal. [2] C’est un des rares cas - la Gastronomie - où le traditionalisme vaut mieux que la révolution… [3] Pour les étudiants qui auraient accès aux archives du Monde voici les deux articles - il y en eut d’autres - que j’ai utilisés : Henri Chaveron, professeur honoraire des universités (génie biologique et végétal), "Amer chocolat européen", 11 mai 2000 et Fabienne Pompey, journaliste au Monde, 5 avril 2000, "Bruxelles pénalise le cacao ivoirien". |