I. Et voilà que l'on nous ressort BRASILLACH…

publié le 26 juin 2013, 12:24 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 25 avr. 2018, 01:16 ]

    Oui, je m’indigne comme nous le demande Jean-Luc Douin à la fin de son compte-rendu de lecture du livre intitulé « Brasillach : le procès expédié »[1]. Je m’indigne que l’on nous ressorte toujours les mêmes histoires.

1) que le procès fût "expédié", il n’y a pas de doute là-dessus. Je l’avais écrit dans mon livre dès sa première édition. Chapitre 17 "la divine surprise". C’est regrettable, mais bon, les faits étaient suffisamment établis.

 

2) Drouin nous dit « ce livre ne fait pas mystère de son hostilité à la peine de mort ». La belle affaire ! Nous sommes en janvier 45, Brasillach est exécuté en février. C’est-à-dire EN PLEINE GUERRE. Yalta ne s’est pas encore tenue. Nul ne sait quand la guerre finira. Quel est le sens de l’interdiction de la peine de mort en pleine guerre ? C’est stupide. Point. Le compte-rendu de Douin est tendancieux quand il nous dit que "l’auteur du livre compare le nombre des condamnations à mort suivies d'une exécution sous Vichy (19) avec les 767 édictées à la Libération". Le procès Brasillach ne s’est pas tenu à la Libération mais alors que la France était encore en GUERRE. Et puis ce clin d’œil à la soi-disant clémence de Vichy est irritant. La milice de Vichy avec Darnand, les sections spéciales de Pucheu  n’organisaient pas de procès !!

 

3) autre antienne : "Rappelant qu'il fut jugé sur ses écrits plus que sur des actes, et que survécurent les "profiteurs de l'Occupation, les trafiquants" ou les marchands de canons". Quel méli-mélo. Comme si le marché noir était au niveau de gravité de ce qu’a commis Brasillach. Et l’auteur cité par Douin répète après beaucoup d’autres[2] : « il fut jugé sur ses écrits plus que sur des actes ». Mais Brasillach était journaliste ! On ne lui demandait pas d’assassiner les Résistants mais de mobiliser les esprits derrière la France allemande. C’est d’ailleurs un des premiers chefs d’accusation :

« Avant la guerre, Brasillach était rédacteur en chef de Je suis partout, (JSP) journal d'extrême-droite bien connu pour ses excès, dont Marc Ferro dit qu'il "était financé par l'argent allemand" (p.170). Joseph Barthélemy, homme politique de droite qui s'est compromis avec le régime de Vichy dont il fut ministre de la justice –et que Brasillach n’a eu de cesse de critiquer parce qu'il le trouvait trop "modéré"-, parle d'un "journal allemand d'expression française". Brasillach est redevenu rédacteur en chef en mai 1941, après sa libération des camps de prisonniers, et surtout après avoir publié un article qui est une véritable profession de foi pro-allemande mais, dans l'acte d'accusation du procès, il apparaît que ce fut un deal : vous (Brasillach) annoncez la couleur, on (nous Allemands) vous libère, et vous reprenez la direction de JSP. Ce qui fut fait ».

Concernant cette distinction sotte entre "écrits" et "actes", je ne puis que citer des extraits de mon chapitre 17 :

« Il importe de bien spécifier la différence entre une opinion et un acte. C'est la clé du problème. Les articles de Brasillach ne sont pas de simples supports de sa réflexion d'intellectuel tourmenté, à un moment donné. Ils s'inscrivent dans un processus de propagande en pleine guerre. Faut-il insister sur le rôle de la propagande en régime nazi ? Faut-il expliquer pourquoi Vichy a créé un secrétariat d'État à l'information ? La guerre fut une guerre totale : de la division blindée au cinéma en passant par les stukas et les campagnes d'affiches murales, tous les moyens ont été utilisés –des deux côtés- pour remporter la victoire. Dans ces conditions, les articles de Brasillach dans JSP sont des actes de guerre.

Voyons justement quelle est la conception du métier de journaliste que Brasillach énonce lui-même ? 23 juin 1941, anniversaire de l'arrivée de Pétain au pouvoir : "Il est le chef. (…). Efforçons-nous de le comprendre et de le faire comprendre". 14 juillet 1941 : "l'affaire du public et de la presse, c'est d'appuyer (l')action du gouvernement, c'est de créer une opinion qui la soutienne, car la France a besoin à la fois de ses chefs et de son opinion". 24-I-42 : "les militants de base les journalistes, JPR- font leur métier et traduisent en actes les paroles du chef de l'État"[3]. 23-IV-42 : "Il faut que les chefs de la France puissent dire qu'ils s'appuient sur le peuple, et c'est pour cela que nous écrivons". 3-VII-42 : "notre tâche doit être seulement de présenter (au gouvernement) des suggestions, de former l'opinion conformément aux directives de Montoire". 22-I-44 : "il faut saisir toute occasion –afin de consolider le front contre le désordre- d'apporter notre appui à la besogne de bâtisseur de digue dont l'essentiel revient aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, à l'armée allemande (…)". C'est clair : pour Brasillach les journalistes, en ce temps de guerre, font des actes, et n'expriment pas simplement leurs opinions. Il le sait très bien d'ailleurs. Voici ce qu'il dit d'une conférence de Darlan, chef du gouvernement de Vichy: (29-XI-41) "l'amiral Darlan a expliqué aux Français le rôle néfaste de l'Angleterre (…) il a fait un discours remarquable, acte autant que parole". Acte autant que parole : les mots sont des armes. Tout cela est confirmé par Maurras, longtemps maître-penseur de Brasillach : évoquant la censure dont fut l'objet son journal L'Action française, avant-guerre, Maurras écrit : "ainsi nous était arraché l'instrument même de l'action"[4]. Même l’ineffable Bardoux écrit que, dans les dictatures, « le journal est une arme »[5]. Tout est dit. ».

Quels furent donc les "actes" de Brasillach ?

A suivre…

II. BRASILLACH, ou L’IMPOSTURE (suite de la critique de l’article de J.-L. Douin)

III. BRASILLACH, CE « POETE SACRIFIE », CE « DEFERLEMENT DE LUMIERE »…


 

[1] Le Monde daté du 8 février 2011.

[2] « L'argument utilisé pour exprimer son regret et même sa condamnation de l'exécution de Brasillach est qu'il a été victime d'un procès politique. Il est mort à cause des ses "opinions". Son éditeur de 1941 qui réédite une des œuvres en 1981, écrit en quatrième de couverture "il fut condamné à mort en raison des opinions politiques qu'il avait soutenues" ». Extrait de mon chapitre 17 « divine surprise ».

[3] C’est moi qui souligne.

[4] La contre-révolution spontanée, page 227.

[5] « L’Ordre nouveau face au communisme et au racisme », page 202.

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